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Vivement un Conseil national du numérique au Cameroun !

(TIC Mag) – Dans une tribune libre publiée dans le journal d’informations et d’analyses économiques Cameroon Business Today (édition N°12 du 12 juillet 2017) édité par la Sopecam, Beaugas-Orain DJOYUM, le directeur général d’ICT Media STRATEGIES (cabinet de veille stratégique en TIC et Télécoms en Afrique, de conseil en stratégies de communication digitale, de fourniture de contenus médiatiques et d’édition), invite le gouvernement Camerounais et davantage le président de la République, Paul Biya, à mettre en place un Conseil national du numérique.

Pour mieux accompagner la digitalisation de l’économie camerounaise pilotée par la ministre des Postes et Télécommunications, Minette Libom Li Likeng, sous l’impulsion du président de la République, Beaugas Orain Djoyum suggère la mise en place de ce Conseil qui sera « un organe consultatif et indépendant créé par décret présidentiel et rassemblant l’ensemble des acteurs du secteur du numérique. Sa mission principale, être l’interlocuteur privilégié des pouvoirs publics en matière du numérique. Ceci afin que l’Etat prenne toujours en compte l’avis des acteurs directement impliqués dans le numérique« .

L’Exemple Allemand

Le DG de ICT Media Strategies propose de s’inspirer du modèle allemand du Conseil national du numérique. Car en Allemagne, écrit-il, le Comité Jeunes entreprises du numérique (BJDW) joue à peu près ce rôle du Conseil national du numérique. Mais, le gouvernement fédéral veut aller plus loin. En effet, rappelle-t-il, dans la Stratégie digitale 2025 de l’Allemagne, le ministère fédéral allemand des Affaires économiques et de l’Energie, qui a en charge le développement de l’économie numérique, a défini dix axes prioritaires. Parmi ces axes prioritaires, la création prochaine d’une Agence digitale qui représente les intérêts des entreprises et des consommateurs. Mais, qui davantage sera un groupe de réflexion économiquement neutre prédestiné à conseiller le gouvernement fédéral sur les politiques de digitalisation du pays.

« Le président camerounais reconnaît que « l’Economie numérique est un véritable accélérateur de croissance, en plus d’être une véritable niche d’emplois nouveaux pour notre jeunesse. Nous devons pouvoir en tirer avantage pleinement ». Pour en tirer pleinement avantage, il y a nécessité de mettre en place ce Conseil national du numérique. En le faisant, le Cameroun serait d’ailleurs en train de s’arrimer aux engagements de l’Agenda de Tunis pour la société de l’information et de les respecter« , conclût Beaugas Orain Djoyum.


Pour lire l’intégralité de la Tribune libre de Beaugas Orain DJOYUM, Le journal Cameroon Business Today est vendu en kiosque au Cameroun au prix de 1 000 F.Cfa et est également disponible sur Internet ICI.

Mise à jour du 19 mars 2019. L’intégralité du texte de Beaugas Orain DJOYUM

Vivement un Conseil national du numérique au Cameroun !

L’impulsion donnée par le président de la République du Cameroun, Paul Biya, ces deux dernières années dans le secteur des TIC (Technologies de l’information et de la communication) à travers son discours sur le numérique a eu le mérite de mobiliser les acteurs publics à prendre conscience du retard dans lequel le Cameroun se trouve dans ce domaine particulier. Une nouvelle ministre, en la personne de Minette Libom Li Likeng a été nommée à la tête du ministère en charge des TIC. Cette dernière a eu l’intelligence de mettre en place un Plan stratégique du développement de l’Economie numérique, baptisé « Cameroun numérique 2020 ». L’histoire retiendra que c’est le tout premier plan stratégique du développement de l’économie numérique du Cameroun.

C’est certes un pas très important, mais le chemin reste encore long. Le temps court ! Car 2020 c’est demain. Un an après la mise sur pied de ce plan stratégique, les chantiers sont encore immenses. Un Conseil national du numérique serait d’une grande utilité pour accélérer la transformation numérique du pays.

Les acteurs privés et publics du secteur de l’économie numérique et la société civile camerounaise ont été consultés pour formuler des recommandations dans ce sens. Les premières Journées nationales de l’économie numérique (JNEC) se sont tenues à Yaoundé du 03 au 04 mars 2016 et ont débouché sur 57 propositions. Le Premier ministre, Philemon Yang, a également mis en place le 15 février 2016 un Comité interministériel chargé de définir les choix stratégiques de ce plan numérique. Ce Comité interministériel qui a débuté ses travaux le 23 mars 2016 s’est inspiré des recommandations issues des JNEC pour définir les bases de ce plan stratégique numérique qui a été validé par le Premier ministre en mai 2016.

Seulement, le Conseil national du numérique proposé ne figure pas parmi les priorités du Plan stratégique élaboré. Encore moins dans les initiatives à mettre en place. Le Comité interministériel n’a donc pas pris en compte toutes les recommandations faites par les acteurs de la société civile. Invité à participer aux réflexions des JNEC et notamment à l’atelier qui formulait les propositions de la Société civile, je me rappelle que nous avons insisté sur l’importance de disposer dans notre pays de ce Conseil national du numérique.

C’est quoi le Conseil national du numérique

Le Conseil national du numérique est un organe consultatif et indépendant créé par décret présidentiel et rassemblant l’ensemble des acteurs du secteur du numérique. Sa mission principale, être l’interlocuteur privilégié des pouvoirs publics en matière du numérique. Ceci afin que l’Etat prenne toujours en compte l’avis des acteurs directement impliqués dans le numérique. Pour que les différentes mesures et décisions publiques prises par l’Etat soient acceptées par le plus grand nombre, soient plus justes, anticipatrices et mises en œuvre par tous de manière consensuelle.

Ce conseil pourrait être composé des utilisateurs des produits et services du numérique, des opérateurs télécoms, des équipementiers présents au Cameroun, des fournisseurs de service à valeur ajoutée, des fournisseurs d’accès Internet, des fournisseurs de contenus numériques, des consultants et experts du secteur des TIC et Télécoms.

Quel Conseil national du numérique au Cameroun ?

Il est vrai que le reflexe dans plusieurs Etats de l’Afrique francophone est de voir ce qui se passe en France pour s’en inspirer. Mais, il est également bon à notre avis de prendre en compte ce qui se passe en Allemagne. Car la France elle-même veut bien s’inspirer de ce qui s’y passe. Aujourd’hui, le Conseil national du numérique français veut se donner une nouvelle impulsion. Le 24 mai 2017, il a publié un manifeste dans lequel il estime nécessaire d’élargir son périmètre d’intervention et d’enrichir ses modes d’action. Ceci en plus des recommandations régulières faites au gouvernement pour la transformation du numérique du pays. Mounir Mahjoubi, l’actuel secrétaire d’Etat au numérique, étant l’ancien président de Conseil national du numérique, il est fort probable que le nouveau président français Emmanuel Macron élargisse le périmètre d’intervention de ce Conseil comme le recommandent les vice-présidents de ce conseil dans leur manifeste.

Il faut noter qu’en France, c’est le président Nicolas Sarkozy, qui, en avril 2011 met en place le Conseil national du numérique. Ceci après le rapport de Pierre KOSCIUSKO-MORIZET relatif à la création du Conseil national du numérique et remis à Eric BESSON, à l’époque Ministre chargé de l’Industrie, de l’Energie et de l’Economie numérique.  La mission actuelle de ce Conseil est de formuler de manière indépendante et de rendre public des avis et des recommandations sur toute question relative à l’impact du numérique sur la société et sur l’économie. Le Conseil, afin de proposer ses recommandations à l’Etat, organise des concertations régulières au niveau national et territorial avec les élus, la société civile et le monde économique.

Les ambitions du Conseil en Allemagne

En Allemagne, le Comité Jeunes entreprises du numérique (BJDW) joue en ce moment à peu près ce rôle du Conseil national du numérique français. Mais, le gouvernement fédéral veut aller plus loin. Dans sa stratégie de développement numérique (Digital Strategy 2025) également élaboré en 2016, l’Allemagne se fixe un délai de neuf ans pour transformation digitale totale du pays. Contrairement au Cameroun, où le gouvernement s’est donné juste quatre ans pour atteindre ses objectifs. Dans cette Stratégie digitale 2025, le ministère fédéral allemand des Affaires économiques et de l’Energie, qui a en charge le développement de l’économie numérique, a défini dix axes prioritaires. Parmi ces axes prioritaires, la création prochaine d’une Agence digitale qui représente les intérêts des entreprises et des consommateurs. Mais, qui davantage sera un groupe de réflexion économiquement neutre prédestiné à conseiller le gouvernement fédéral sur les politiques de digitalisation du pays.

Et le ministère fédéral des Affaires économiques et de l’Energie précise dans sa Stratégie numérique 2025 qu’« afin de répondre aux questions sur la digitalisation dans les aspects relatifs au droit de la concurrence, au marché et aux consommateurs, nous avons non seulement besoin d’un agenda numérique, mais également d’une Agence numérique qui fonctionnera comme un centre d’excellence hautement efficace et internationalement connecté au fédéral niveau. Ce centre fournira au gouvernement fédéral à la fois une assistance compétente, neutre et à long terme en tant que think tank (groupe de réflexion) dans la préparation des politiques publiques et en tant que point de service pour la mise en œuvre de ces politiques ».

L’Agence numérique allemande devrait donc se baser sur trois piliers. A savoir, le rassemblement des compétences, le soutien de la Stratégie numérique du pays et enfin la création durable des compétences en matière de digitalisation. Parmi les tâches probables de cette agence, l’analyse, la surveillance du marché et reporting sur la numérisation ; les services de consultation et de conseil pour les consommateurs et les entreprises, ainsi que des assistances pratiques ; la réduction des coûts de l’information macroéconomique et de coordination ; l’incitation des utilisateurs importants (industrie, services) et des entreprises à l’exploitation du potentiel qu’offre le numérique ; le règlement des différends et traitement des plaintes des consommateurs ; le contact et la coopération avec les municipalités, les états fédéraux, les organes européens et internationaux ainsi qu’avec les entreprises, les associations et d’autres parties prenantes.

Le Cameroun gagnerait à notre humble avis à mettre en place son Conseil national du numérique en s’inspirant des ambitions allemandes tout en prenant en compte les réalités locales.

Les ambitions du Cameroun

Aujourd’hui, ce Conseil est à notre sens une priorité à prendre en considération. L’horizon fixé par le gouvernement est court et le chemin à parcourir reste long comme indiqué plus haut. Car, le plan stratégique Cameroun numérique 2020 est ambitieux. Il prévoit de porter la contribution du numérique au Produit intérieur brut (PIB) du Cameroun de 5% en 2016 à 10% en 2020. Il ambitionne également de porter la contribution annuelle moyenne des acteurs du numérique au titre d’impôts et taxes de 136 milliards de F.CFA en 2016 à 300 milliards de F.CFA à l’horizon 2020. Le nombre d’emplois directs créés dans le numérique devrait passer de 10 000 à 50 000 sur la même période, tandis qu’en matière de développement local, il est prévu de densifier de 6% à 20% le pourcentage des ménages ayant accès à internet et de porter le pourcentage d’accès au haut débit dans les grandes entreprises à 95%.

Tous ces objectifs ne peuvent être atteints que si et seulement si l’ensemble des acteurs clés intervenants dans ce secteur sont associés aux différentes décisions publiques relatives au numérique. Au risque de ne pas atteindre ces objectifs, les acteurs privés du secteur, les experts et la société civile devraient donc être ceux-là qui soutiennent ce plan stratégique de développement numérique « Cameroun Numérique 2020 ». Ils devraient donc régulièrement être édifiés sur ce plan, apporter leurs contributions, évaluer le chemin parcouru à la fin de chaque année, identifier les obstacles et montrer les axes ou orientations futurs sur lesquels le gouvernement devrait insister l’année suivante pour une meilleure transformation digitale du pays. Ce Conseil peut être le cadre idéal.

Le ministère des Postes et Télécommunications prépare en ce moment un toilettage des textes sur le numérique et les communications électroniques. Il est important de prendre en compte les considérations et avis des acteurs du secteur afin que certains acteurs du secteur ne contestent certaines dispositions de ces textes qui seraient peut-être des freins pour l’atteinte des objectifs fixés dans le plan stratégique. Le Conseil, s’il était en place, devait être le cadre idéal pour cela. Afin de procurer au gouvernement une expertise destinée à clarifier la complexité et les attentes des acteurs locaux de l’économie numérique.

Plus vite, plus efficace

Au niveau ministériel un pas a été franchi a été franchi dans ce sens. Pour pallier au manque de concertation entre les acteurs camerounais du numérique, la ministre des Postes et Télécommunications, Minette Libom Li Likeng, par décision n°00000017/MINPOSTEL du 29 janvier 2016, a créé le Cercle de concertation permanente public-privé du secteur des postes et télécommunications, en abrégé CPPT. Ce CPPT s’est réuni pour la première fois à Douala le 20 décembre 2016. Et parmi ses premières recommandations, un renforcement du dialogue entre les acteurs publics et privés. Le Conseil peut être le cadre idéal pour cela, car les prérogatives du CPPT sont limitées.

Le président de la République Paul Biya engagé pour le développement de ce secteur du numérique gagnerait donc à mettre en place ce cadre de concertation plus formel et disposant de prérogatives plus larges comme mentionné plus haut. En accordant une réelle légitimité à cet organe consultatif, le Conseil incarnera donc, avec un poids certain, la voix des acteurs du numérique.

Comme le président rwandais Paul Kagame l’indique très souvent, « l’investissement dans les TIC donne lieu à des avantages pour chaque secteur et le plus tôt que vous commencez sera le mieux ». Tout va si vite en effet dans le secteur des TIC et il faut agir aussi rapidement qu’on le peut. Le président camerounais reconnaît que « l’Economie numérique est un véritable accélérateur de croissance, en plus d’être une véritable niche d’emplois nouveaux pour notre jeunesse. Nous devons pouvoir en tirer avantage pleinement ». Pour en tirer pleinement avantage, il y a nécessité de mettre en place ce Conseil national du numérique.

En le faisant, le Cameroun serait d’ailleurs en train de s’arrimer aux engagements de l’Agenda de Tunis pour la société de l’information et de les respecter. Notamment l’engagement 61 où les représentants du monde entier réunis à Tunis en novembre 2005 reconnaissent et sont convaincus « qu’il est nécessaire d’engager, et de renforcer s’il y a lieu, un processus transparent, démocratique et multilatéral, avec la participation des gouvernements, du secteur privé, de la société civile et des organisations internationales, chacun selon son rôle. Au cours de ce processus, il pourrait être envisagé de créer un cadre ou des mécanismes adaptés, là où cela est justifié, afin de stimuler l’évolution en cours et dynamique des dispositions actuelles pour établir des synergies entre les initiatives prises à cet égard ». Il y va de la réussite et du succès de ce Plan stratégique Cameroun numérique 2020.

Par Beaugas-Orain DJOYUM, directeur général d’ICT Media STRATEGIES, cabinet de veille stratégique en TIC et Télécoms en Afrique, de conseil en stratégies de communication digitale, de fourniture de contenus médiatiques et d’édition.

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