[Digital Business Africa] – Les technologies numériques ne connaissent pas de frontières. Elles transcendent les frontières, les secteurs et les disciplines, ouvrent de nouvelles perspectives qui transforment les sociétés et les économies et contribuent à la réalisation des 17 objectifs du développement durable dans le monde.
En même temps, la communauté internationale est confrontée aux questions de sécurité, d’équité, d’éthique et de droits humains à l’ère numérique. Les moyens et les niveaux actuels de la coopération internationale ne sont pas à la hauteur des défis. La coopération au-delà des frontières est essentielle pour réaliser le potentiel de transformation des technologies numériques, tout en se protégeant contre les risques et les conséquences involontaires.
C’est pour cela que le Groupe de haut niveau sur la coopération numérique a été créé par le Secrétaire général de l’ONU en juillet 2018 afin d’identifier de bons exemples et de proposer des modalités de coopération intersectorielle, interdisciplinaire et transfrontalière pour relever les défis de l’ère numérique.
Ce Groupe d’experts a mené une vaste consultation qui a abouti à un rapport final contenant des recommandations réalisables en 2019. Digital Business Africa vous propose le résumé (tel que rédigé par ce Groupe de haut niveau sur la coopération numérique) de ce rapport publié ce mois de juin 2019. Un rapport qui fait une série de proposition pour améliorer la coopération digitale internationale.
Résumé : L’ère de l’interdépendance numérique
« Les technologies numériques sont en train de transformer la société très rapidement. Leur apparition a permis d’améliorer la condition humaine à un niveau sans précédent, mais elle a également donné naissance à de nouveaux défis profonds. Les possibilités illimitées qu’offre l’application des technologies numériques vont de pair avec des abus flagrants et des conséquences involontaires. Dividendes et fractures numériques coexistent. Et, face à l’accélération des changements technologiques, les mécanismes de coopération et de gouvernance de ce paysage n’ont pas su suivre le rythme. Les points de vue divergents et les réponses ponctuelles menacent de fragmenter l’interconnectivité caractéristique de l’ère numérique, et d’entraîner des normes et des méthodes concurrentes, qui finiraient par ébranler la confiance et décourager la coopération.
Conscient de l’urgence de la situation, le Secrétaire général des Nations Unies a nommé, en juillet 2018, le présent groupe afin d’examiner la question de la « coopération numérique », et d’analyser la façon dont nous œuvrons ensemble pour répondre à la question de l’incidence sociale, éthique, juridique et économique des technologies numériques, en vue de maximiser leurs avantages et de minimiser leurs effets négatifs.
En particulier, le Secrétaire général nous a demandé de réfléchir à la manière dont la coopération numérique pourrait contribuer à la réalisation des Objectifs de développement durable, l’ambitieux programme de protection des personnes et de la planète approuvé par 193 États membres des Nations Unies en 2015. Il nous a également chargés d’envisager des modèles de coopération numérique qui permettraient de faire progresser le débat sur la gouvernance dans le domaine du numérique.
Au cours de nos consultations, tant à l’interne qu’avec d’autres intervenants, il est clairement apparu que notre monde numérique dynamique a urgemment besoin d’une meilleure coopération numérique et que nous vivons à une époque d’interdépendance numérique. Cette coopération doit se fonder sur des valeurs humaines communes, telles que l’inclusion, le respect, l’humanisme, les droits de la personne, le droit international, la transparence et la durabilité. En des temps de changements rapides et d’incertitude comme ceux que nous vivons actuellement, ces valeurs partagées doivent s’ériger en lumière commune qui éclaire notre chemin.
Une coopération numérique efficace exige un renfort du multilatéralisme malgré les tensions actuelles. Elle requiert également de compléter ce multilatéralisme à l’aide d’une coopération multipartite : une coopération qui implique non seulement les gouvernements, mais aussi un éventail beaucoup plus diversifié d’autres parties prenantes telles que la société civile, les universitaires, les technologues et le secteur privé. Nous devons faire entendre des voix bien plus diverses, en particulier celles issues de pays en développement et de groupes traditionnellement marginalisés, tels que les femmes, les jeunes, les populations autochtones, les populations rurales et les personnes âgées.
Suite à l’introduction, qui met en évidence l’urgence d’améliorer la coopération numérique et invite les lecteurs à s’engager en faveur d’une Déclaration d’interdépendance numérique, notre rapport se concentre sur trois grands ensembles de questions interdépendantes dont chacune fait l’objet d’un examen plus approfondi dans les chapitres ultérieurs. En tant que groupe, nous avons essayé de trouver un consensus, mais nous n’avons pas toujours été d’accord. Nous avons relevé plusieurs domaines où les points de vue divergeaient et avons tenté de présenter un résumé équilibré de nos débats et de nos opinions. Bien qu’il n’y ait pas eu unanimité d’opinion parmi les membres du groupe en ce qui concerne chacune des recommandations, le groupe approuve néanmoins le rapport dans son entièreté dans l’esprit de promotion de la coopération numérique.
Le Chapitre 2, Ne laisser personne de côté, affirme que les technologies numériques ne permettront de progresser vers la pleine réalisation des Objectifs de développement durable que si nous élargissons notre réflexion et allons au- delà de l’importante question de l’accès à l’Internet et aux technologies numériques. L’accès est un progrès nécessaire, mais insuffisant. Afin d’apprivoiser la puissance des technologies numériques, nous devons coopérer au niveau des écosystèmes plus vastes qui permettent l’utilisation des technologies numériques d’une manière inclusive. Ceci nécessitera des cadres politiques permettant de soutenir directement l’inclusion économique et sociale, des efforts spéciaux pour mettre sur l’avant de la scène les groupes traditionnellement marginalisés, des investissements importants en capital humain et en infrastructures, des environnements réglementaires intelligents et des efforts considérables afin d’aider les travailleurs qui se voient confrontés à une perturbation en raison de l’impact de la technologie sur leurs moyens de subsistance. Ce chapitre traite également de l’inclusion financière — argent mobile, identification numérique et commerce électronique —, de l’accès abordable et significatif à l’Internet, des biens publics numériques, de l’avenir de l’éducation et de la nécessité d’une coopération régionale et mondiale en matière de politique économique.
Le Chapitre 3, Individus, sociétés et technologies numériques, souligne que les droits universels sont d’application aussi bien en ligne que hors ligne, mais qu’il est urgent d’examiner de quelle manière les cadres et conventions consacrés aux droits de la personne devraient guider la coopération numérique et les technologies numériques. Nous avons besoin de mener des conversations à l’échelle de la société sur les limites, les normes et les aspirations communes en termes l’utilisation des technologies numériques, et d’aborder des questions complexes telles que la protection de la vie privée, le contrôle humain et la sécurité, afin d’obtenir des résultats inclusifs et équitables. Ce chapitre aborde également le droit à la vie privée, la nécessité d’une responsabilisation humaine claire derrière les systèmes autonomes, et invite à une accentuation des efforts d’élaboration et de mise en œuvre des normes mondiales de cybersécurité.
Afin de prendre des mesures importantes à l’égard de la vision énoncée aux Chapitres 2 et 3, nous croyons que les actions prioritaires suivantes méritent une attention immédiate:
Une économie et une société numériques inclusives
1A : Nous recommandons que d’ici 2030, chaque adulte ait un accès abordable aux réseaux numériques, ainsi qu’aux services numériques financiers et de santé. Ceci serait un moyen de contribuer grandement à la réalisation des Objectifs de développement durable. La prestation de ces services devrait se prémunir contre les abus, d’une part en s’appuyant sur les principes émergents et les pratiques exemplaires, comme le choix d’adhérer ou de ne pas adhérer, et d’autre part, en encourageant un discours public éclairé.
1B : Nous recommandons qu’une vaste alliance multipartite incluant les Nations Unies crée une plateforme permettant de partager les biens publics numériques, de mobiliser le talent et de mettre en commun les ensembles de données, le tout dans le respect de la vie privée, dans les domaines liés à la réalisation des Objectifs de développement durable.
1C : Nous appelons le secteur privé, la société civile, les gouvernements nationaux, les banques multilatérales et les Nations Unies à adopter des politiques spécifiques permettant de soutenir l’inclusion numérique complète et l’égalité numérique pour les femmes et les groupes traditionnellement marginalisés. Les organisations internationales telles que la Banque Mondiale et les Nations Unies devraient renforcer la recherche et encourager les actions permettant de réduire les obstacles à l’inclusion numérique et à l’égalité numérique des femmes et des groupes marginalisés.
1D : Nous pensons qu’il faudrait d’urgence adopter une série de critères de mesure de l’inclusion numérique. Ceux-ci seraient analysés à l’échelle mondiale et détaillés à l’aide de données ventilées par sexe dans les rapports annuels d’institutions telles que les Nations Unies, le Fonds monétaire international, la Banque mondiale, d’autres banques multilatérales de développement et l’OCDE. À partir de là, il deviendrait possible d’élaborer des stratégies et des plans d’action.
Capacités humaines et institutionnelles
2A : Nous recommandons la création de services d’assistance numérique régionaux et mondiaux pour aider les gouvernements, la société civile et le secteur privé à comprendre les enjeux du numérique et à développer les compétences nécessaires afin de guider la coopération liée aux impacts sociaux et économiques des technologies numériques.
Droits de la personne et contrôle humain
3A : Étant donné que les droits de la personne s’appliquent pleinement dans le monde du numérique, nous exhortons le Secrétaire général des Nations Unies à procéder à un examen, à l’échelle de toutes les entités du système des Nations Unies, de la façon dont les normes et les accords internationaux existants en matière de droits de la personne s’appliquent aux technologies numériques nouvelles et émergentes. Il faudrait inviter la société civile, les gouvernements, le secteur privé et le public à faire part de leur vision sur les différentes possibilités d’application, à l’ère numérique, des instruments existants relatifs aux droits de la personne, dans le cadre d’un processus proactif et transparent.
3B : Face aux menaces croissantes qui pèsent sur les droits de la personne et la sécurité, y compris celle des enfants, nous appelons les sociétés de réseaux sociaux à collaborer avec les gouvernements, les organisations internationales et locales de la société civile et les experts en droits de la personne du monde entier afin de saisir pleinement les préoccupations concernant les violations des droits de la personne existantes ou potentielles et d’y apporter réponse.
3C : Nous estimons que les systèmes intelligents autonomes devraient être conçus de manière à pouvoir expliquer leurs décisions et à garantir une responsabilisation humaine derrière leur utilisation. Les audits et les systèmes de certification devraient permettre de vérifier la conformité des systèmes d’intelligence artificielle aux normes d’ingénierie et de déontologie, qui devraient s’élaborer en suivant une approche multilatérale et multipartite. Les décisions de vie ou de mort ne devraient pas être déléguées à des machines. Nous appelons au renforcement de la coopération numérique multipartite afin de réfléchir à la conception et à l’application de normes et principes tels que la transparence et la non-partialité dans les systèmes intelligents autonomes dans différents contextes sociaux.
Confiance, sécurité et stabilité
4A. Nous recommandons l’élaboration d’un Engagement mondial sur la confiance et la sécurité numériques afin de définir une vision commune, d’identifier les attributs de la stabilité numérique, d’élucider et renforcer la mise en œuvre de normes assurant une utilisation responsable des technologies, et de proposer des priorités d’action.
Si nous voulons tenir la promesse des technologies numériques au service des Objectifs de développement durable, y compris dans les domaines d’action prioritaires susmentionnés, et éviter les risques d’une utilisation abusive de celles-ci, nous avons besoin de dispositions de coopération numérique réfléchies.
À cette fin, au Chapitre 4, Mécanismes de coopération numérique mondiale, nous analysons les lacunes des mécanismes actuels de coopération numérique mondiale, identifions les fonctions de la coopération numérique mondiale nécessaires pour y remédier et esquissons trois séries de modalités visant l’amélioration de notre architecture de coopération numérique mondiale, qui s’appuient sur les structures et les dispositions existantes d’une manière compatible avec nos valeurs et principes communs.
Compte tenu des nombreuses questions en jeu, il y aura nécessairement de nombreuses formes de coopération numérique, certaines pouvant même être dirigées par le secteur privé ou la société civile plutôt que par les gouvernements ou les organisations internationales.
En outre, il faudra mettre en œuvre des efforts particuliers pour assurer la participation des femmes et des autres groupes traditionnellement marginalisés à toutes les méthodes nouvelles ou actualisées de coopération numérique mondiale.
Les trois architectures de coopération numérique proposées visent à déclencher des consultations multipartites ciblées, agiles et ouvertes afin d’élaborer rapidement des mécanismes de gouvernance numérique modernes. Le 75e anniversaire des Nations Unies en 2020 se présente comme une occasion parfaite pour poser un premier jalon sous forme d’un « Engagement mondial pour la coopération numérique » consacrant les objectifs, principes et actions prioritaires.
Ce chapitre examine également le rôle des Nations Unies en termes d’adaptation à l’ère du numérique et de contribution à l’amélioration de la coopération numérique mondiale.
Nous pensons que les étapes suivantes sont justifiées en vue de moderniser la gouvernance numérique :
Coopération numérique mondiale
5A : Nous recommandons que le Secrétaire général des Nations Unies promeuve, de toute urgence, un processus de consultation souple et ouvert afin de mettre au point des mécanismes modernes de coopération numérique mondiale, en commençant par les options discutées au Chapitre 4. Nous suggérons un premier objectif pour le 75e anniversaire des Nations Unies en 2020, à savoir l’élaboration d’un « Engagement mondial pour la coopération numérique » qui consacrerait les valeurs, principes, ententes et objectifs communs pour une architecture de coopération numérique mondiale améliorée. Dans le cadre de ce processus, nous prenons note du fait que le Secrétaire général des Nations Unies pourrait éventuellement nommer un Émissaire pour la technologie.
5B : Nous sommes favorables à une approche « systémique » multipartite de coopération et de réglementation, qui soit adaptative, souple, inclusive et ajustée à l’évolution rapide de l’ère numérique.
Nous espérons que ce rapport et les recommandations qu’il contient feront partie des éléments constitutifs d’un monde numérique inclusif et interdépendant, doté d’une nouvelle architecture de gouvernance adaptée. Nous croyons en un avenir où la coopération numérique améliorée soutiendrait la réalisation des Objectifs de développement durable, réduirait les inégalités, rapprocherait les gens, renforcerait la paix et la sécurité internationales, et promouvrait les opportunités économiques et la durabilité environnementale. »
Par les membres du Groupe de haut niveau sur la coopération numérique
Co-présidents
– Melinda Gates (États-Unis), co-présidente de la Fondation Bill & Melinda Gates
– Jack Ma (Chine), Executive Chairman, d’Alibaba Group
Membres
– Mohammed Abdullah Al Gergawi (EAU), ministre des Affaires ministérielles et de la Coopération internationale.
– Yuichiro Anzai (Japon), conseiller principal et directeur du Center for Science, Analyste de l’information à la Société japonaise pour la promotion de la science
– Nikolai Astrup (Norvège), ancien ministre du Développement international, aujourd’hui ministre de la Numérisation, Norvège
– Vinton Cerf (États-Unis), vice-président et évangéliste Internet en chef, Google
– Fadi Chehadé (USA), Président, Chehadé & Company
– Sophie Soowon Eom (République de Corée), fondatrice d’Adriel AI and Solidware
– Isabel Guerrero Pulgar (Chili), Directrice exécutive, IMAGO Global, Chargé de cours et conférencier à la Harvard Kennedy School
– Marina Kaljurand (Estonie), Présidente de la Commission mondiale sur la Stabilité du cyberespace
– Bogolo Kenewendo (Botswana), Ministre de l’investissement, du commerce et de l’industrie (Botswana)
– Marina Kolesnik (Fédération de Russie), cadre supérieur, entrepreneur et jeune leader mondial du WEF
– Doris Leuthard (Suisse), ancienne Présidente et Conseillère fédérale de la Suisse
– Cathy Mulligan (Royaume-Uni), chercheuse invitée à l’Imperial College
Londres et directeur de la technologie de GovTech Labs à l’Université de Londres.
– Akaliza Keza Ntwari (Rwanda), défenseur et entrepreneur des TIC
– Edson Prestes (Brésil), Professeur, Institut d’informatique, Université fédérale de Rio Grande do Sul
– Kira Radinsky (Israël), directrice des sciences des données, eBay
– Nanjira Sambuli (Kenya), Directrice principale des politiques de la World Wide Web Fondation
– Dhananjayan Sriskandarajah (Australie), Directeur général, Oxfam GB
– Jean Tirole (France), Président de l’Ecole Supérieure d’Economie de Toulouse et de l’Université de Toulouse.
– Amandeep Singh Gill (Inde), Directeur exécutif, Secrétariat du Groupe de haut niveau sur la coopération numérique
– Jovan Kurbalija (Serbie), Directeur exécutif, Secrétariat du Comité de haut niveau sur la coopération numérique