Ndiaga Gueye :  »S’il y a un opérateur patriotique au Sénégal, ce n’est certainement pas Orange… »

En fin d’année 2019, le Gouvernement du Sénégal a pris la décision par un décret et un arrêté ministériel de baisser de 20% les frais et redevances d’utilisation de fréquences radioélectriques des opérateurs de téléphonie mobile.

La fréquence radioélectrique est utilisée pour transporter des informations sans fil pour un nombre important de services essentiels, indispensable aux opérateurs de services mobiles. La faire payer est un moyen de faire entrer de l’argent dans les caisses de l’État.­ En effet, à l’ère de la 4G et à l’horizon de la 5G, ces technologies qui requièrent toujours plus de spectre font que la demande est importante, en conséquence, les recettes budgétaires peuvent être considérables pour l’Etat.

Le Gouvernement du Sénégal, en baissant les frais et redevances d’utilisation de fréquences, formule, ainsi, une politique qui favorise l’accès universel au numérique ce qui maximise le potentiel de développement de l’économie numérique. L’objectif est ainsi d’en finir avec les zones privées d’Internet ou de réseaux mobiles de qualité médiocre.

Ainsi donc, le Gouvernement privilégie les avantages sociaux au profit des sénégalais qu’à ses recettes budgétaires. Ce changement de paradigme est important : pour la première fois, l’Etat ne considère plus les frais et redevances comme une variable budgétaire, mais comme un outil d’aménagement numérique du Sénégal.

En contrepartie, de ce cadeau gouvernemental à plusieurs milliards, qui allège leurs charges financières, les opérateurs doivent mettre les bouchées doubles pour densifier considérablement la couverture mobile du territoire, améliorer la qualité de leurs services et baisser leurs tarifs.

Nul doute, que l’opérateur Orange qui a toujours capturé les utilisateurs à son profit, ne fera pas une baisse de prix pour ses abonnés. D’ailleurs, aucun mot sur cette baisse alors que cet opérateur a déclaré partout que les redevances sont excessivement chères au Sénégal, pour faire croire aux sénégalais que c’est à cause du Gouvernement que les prix ne baissent pas.

En sus, de donner une image négative du Gouvernement du Sénégal, Orange n’a pas hésité à ­pointer du doigt les sénégalais, en annonçant qu’ils lui on fait perdre 20 milliards de chiffre d’affaires par leur utilisation des applications de VoIP, ce qui ne l’a pas empêché d’augmenter son chiffre d’affaires de 5,5% en 2019 au Sénégal.

Pire encore, à l’heure du coronavirus, Orange qui n’arrête pas de communiquer sur son école de codage «­Sonatel Academy­» aurait dû se mobiliser dès le début de cette maladie en vue de développer gratuitement une solution digitale de prévention, de diagnostic ou de traitement comme l’a fait l’opérateur «­Safaricom­» au Kenya en décembre 2019.

Et pourtant, Orange pollue l’espace médiatique, en continu, sur ses réalisations dans le cadre de sa Responsabilité Sociétale d’Entreprise (RSE).

S’il y a un opérateur patriotique, ce n’est certainement pas Orange, qui n’a d’yeux que pour ses résultats financiers, aucune pensée pour le Sénégal.

Quant à Free Sénégal, depuis notre dernière déclaration, nous avons constaté que la qualité de son réseau s’est considérablement améliorée, en conséquence, la concurrence par les infrastructures ne peut plus prospérer, désormais, c’est la concurrence par les offres d’abondance.

Aussi, six (6) mois après le séisme Free Sénégal avec ses offres «­low cost­» divisant par deux (2) voire trois (2) le budget téléphone et internet des utilisateurs, le Gouvernement lui donne l’occasion de dynamiter, encore une fois, les prix au profit des Sénégalais. Aussi, ASUTIC espère que Free Sénégal s’attaquera à nouveau aux marges du mastodonte de ce marché oligopolistique.

Enfin, Expresso Sénégal, en retard sur ses concurrents dans la couverture 4G, devrait profiter de cette baisse pour renforcer ses infrastructures, mais surtout demander plus de mutualisation, c’est-à-dire un accès aux infrastructures, voire aux réseaux de ses concurrents, pour renforcer sa propre couverture à peu de frais. De quoi, faire sortir de ses gonds Orange, pour qui cette entorse à la concurrence par les infrastructures serait inconcevable.

Au vu de tous ces éléments, il appartient au régulateur des télécoms du Sénégal, l’ARTP, de traduire en réalité, l’objectif du Gouvernement. De par ses attributions dans la gestion des fréquences, la mise en œuvre de la mutualisation et le partage des infrastructures entre les opérateurs, le régulateur joue un rôle essentiel.

Dans cette perspective, l’ARTP doit, d’abord obtenir des opérateurs des engagements, assortis de fortes pénalités, de doper leur couverture 3G et 4G du pays, ensuite, publier une situation de référence qui permettra d’évaluer au fur et à mesure les réalisations des opérateurs sur l’accessibilité (cartes de déploiement), la qualité et la baisse des tarifs.

Seulement, dans un passé récent, l’ARTP avait toujours favorisé Orange, soit par une mise en œuvre biaisée de certaines décisions gouvernementales (portabilitéFree roamingnon application de dispositions du code de 2011, etc), soit par une lenteur inexplicable dans leurs exécution (dégroupage de la boucle localepartage des infrastructures, etc).

En somme, l’ARTP n’avait jamais travaillé à la réalisation des conditions d’une concurrence saine et loyale entre les opérateurs. Si bien que Tigo (actuel Free) et Expresso Sénégal ont dû trimer pour ne pas être évincés du marché.

Aujourd’hui, au vu, des dernière décisions qui ont freinées les dérives anticoncurrentielles d’Orange au détriment, tant des opérateurs concurrents, que des utilisateurs, l’Association des Utilisateurs des TIC (ASUTIC) espère que le temps où l’ARTP prenait fait et cause pour Orange, est désormais révolu.

Dès lors, la transparence, l’équité et la non-discrimination devraient être totales pour éviter un déséquilibre dans l’attribution des fréquences par l’ARTP qui serait source de position hégémoniale. Autrement dit, il mènerait à un monopole d’un opérateur sur d’autres, mettant ainsi en péril l’objectif de réalisation des conditions d’une concurrence saine et loyale, et évidemment au détriment des utilisateurs.

Ainsi donc, l’ARTP est le garant de l’atteinte des objectifs du Gouvernement du Sénégal.

La fracture numérique au Sénégal est un fait. Quel que soit la solution technique, filaire ou mobile, l’accès à des services haut débit devrait être un droit.

­Pour toutes ses raisons, l’ASUTIC­:

  • Salue, cette initiative du Ministère de l’Economie numérique et des Télécommunications dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie « Sénégal Numérique 2025 »­;
  • Demande à l’ARTP, de traduire en réalité cette forte volonté politique du Gouvernement du Sénégal qui devrait permettre à tous les Sénégalais d’accéder à des services mobiles de haut débit, abordables et de meilleure qualité­;
  • Exhorte, le Gouvernement à lier l’attribution des fréquences 5G à l’accompagnement des opérateurs pour un Sénégal connecté

Fait à Dakar, le 15/ 03 / 2020
Le Président Ndiaga Gueye

A PROPOS DE L’ASUTIC
L’Association des utilisateurs des TIC (ASUTIC) du Sénégal est une organisation à but non lucratif qui œuvre pour la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales à l’ère numérique. ASUTIC a aussi pour objectif de contribuer au renforcement de la démocratie à travers la transparence, la responsabilité des décideurs et la participation des citoyens, sur la base de l’égalité de genre. ­

Avez-vous aimé ce texte? Vous aimerez sans doute bien d'autres. Rejoignez notre canal Telegram et notre chaîne WhatsApp pour ne rien manquer de nos infos stratégiques et de nos exclusivités. Aussi, merci de nous laisser un petit commentaire au bas de cet article. Bonne navigation !

LAISSER UNE RÉPONSE

SVP, entrez votre commentaire!
Veuillez saisir votre nom ici

A la Une cette semaine

Sénégal : Le ministère chargé du numérique a un budget de 58,4 milliards FCFA en 2025 contre 42,7 milliards FCFA en 2024

Sénégal : Le ministère chargé du numérique a un budget de 58,4 milliards FCFA en 2025 contre 42,7 milliards FCFA en 2024

« Plus de 200 câbles sous-marins endommagés », « l’internet mobile 14 fois plus cher en Afrique », la SG de l’UIT s’indigne au...

« Plus de 200 câbles sous-marins endommagés », « l’internet mobile 14 fois plus cher en Afrique », la SG de l’UIT s’indigne au FGI de Riyad

Wanda Matandela : le stratège commercial que Ralph Mupita nomme comme PDG de MTN Cameroon

– Selon un communiqué du groupe sud-africain de...

Mitwa Ng’ambi, DG de MTN Cameroon, nommée DG de MTN Côte d’Ivoire

- Quelques jours après avoir reçu Ralph Mupita,...

Djibril Ouattara, bâtisseur de succès dans les telcos, quitte MTN Côte d’Ivoire

- Il n’aura pas l’occasion de voir son...

Régulation

Thierry Marchand : « Accompagnez-nous sur la route du Sommet pour l’action sur l’IA »

Pour une intelligence artificielle au service de l’intérêt général Alors...

Ralph Mupita, PDG de MTN Group, annonce un investissement de 62,4 milliards de F.Cfa au Cameroun en 2025 pour améliorer la qualité de service

Cameroun : Ralph Mupita, PDG de MTN Group, va investir 100 millions $ en 2025 et 300 millions $ sur 03 ans

Télécoms : « Horizon Fiber » pour améliorer la connectivité entre l’ Est- Afrique, les régions d’Europe et d’Asie

Télécoms : « Horizon Fiber » pour améliorer la connectivité entre l’ Est- Afrique, les régions d’Europe et d’Asie

Cameroun : Le budget 2025 de l’ ART est de 73,5 milliards de FCFA, quid des prescriptions du Minpostel d’octobre 2024 ?

Cameroun : Le budget 2025 de l’ ART est de 73,5 milliards de FCFA, quid des prescriptions du Minpostel d’octobre 2024 ?

Burkina Faso : Les bases d’une connectivité fiable et conforme 

Burkina Faso : Les bases d'une connectivité fiable et conforme 

Tunisie : 3 opérateurs de téléphonie acquièrent des licences 5G

Tunisie : 3 opérateurs de téléphonie acquièrent des licences 5G
spot_img

Articles similaires

Catégories populaires

spot_imgspot_img