[DIGITAL Business Africa – Avis d’expert] – Mon attention a été attirée en voyant le titre de votre article intitulé : « Afrique centrale : L’appel des régulateurs télécoms pour plus d’autonomie et d’indépendance »
Je suis Sénégalais et participe régulièrement à des discussions d’experts sur les difficultés du secteur des Télécommunications dans ce pays. Il y a unanimité à ce sujet : la régulation y est déficiente à cause de sa politisation extrême due à son rattachement direct à la Présidence de la République. Le monde entier a constaté avec stupeur, que l’ARTP y a fait couper l’Internet il y a quelques jours à l’occasion des manifestations politiques dont l’observateur averti que vous êtes est forcément informé.
La dispersion du « commandement » entre les administrateurs du numérique fait que chacun des acteurs concernés à tendance à prendre ses propres décisions pour se valoriser personnellement auprès du Président de la République. Les Présidents aiment les inaugurations, et les projets d’administrateurs qui ne rendent pas compte aux finances publiques alimentent la corruption.
Dans le même temps, les consommateurs sont à l’abandon (mauvaise qualité de service, tarifs exorbitants, couverture territoriale médiocre), les opérateurs stressés : des amendes dont les montants arbitrairement élevés ne servent qu’à renflouer les caisses de l’Etat et jamais à l’amélioration des situations qui les induisent, des décisions critiquables telles que : la création d’un opérateur dédié aux zones déshéritées (obligé de demander de l’argent à l’Etat, donc condamné à une mort rapide), l’attribution de « licences » à des candidats MVNO imposés aux opérateurs avec des tarifs de gros arbitraires, l’absence totale de contrôle d’une des principales règle de la concurrence qui est l’obligation de respect des prix prédateurs, un fonds de développement du service universel (financé par les opérateurs) qui sert plus à financer des activités du Ministère de tutelle que celles relatives aux obligations de service universel que sont l’équité territoriale et sociale, l’accessibilité financière des services et la non-discrimination sociétale.
Tous les experts qui participent à nos discussions, sans exception, sont d’avis qu’il faut sortir de cette balkanisation des responsabilités qui est incompatible avec une politique de développement cohérente dans des pays qui accusent encore un retard phénoménal et où, les opérateurs, à force de supporter les charges et caprices des uns et des autres, finiront par craquer, les uns après les autres.
Je suis réaliste : dans nos pays, tout est politique : chacun veut être un collaborateur direct du Président de la République. Le pauvre Président se retrouve avec une portée démesurée et, ne pouvant pas lui-même assurer les coordinations qui devraient incomber à un nombre limité de ministres, laisse chacun faire comme il l’entend. Et si un jour un scandale éclate chez l’un, il le remplace par un autre pour calmer les médias et continue à subir.
J’ai eu l’honneur de servir dans quelques pays d’Afrique Centrale et éprouve pour cette région une profonde affection. Si mon pays vient leur venter un système à bout de souffle qui sera aboli sous peu, je me dois d’attirer leur attention fraternellement.
Par Papa Gorgui TOURE, TACTIKOM, GENEVE
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