Cameroun : Des diplomates français, canadiens et américains demandent la libération de Rebecca Enonchong via le hashtag #FreeRebecca

[Digital Business Africa] – La twitosphère camerounaise est en ébullition depuis trois jours à la suite de la garde à vue de Rebecca Enonchong, détenue depuis le mardi 10 août 2021 à la légion de la gendarmerie de Douala dans le cadre d’une affaire qui l’oppose au procureur général de Douala. Celui-ci l’accusant d’outrage à magistrat.

Le hastag #freeRebecca, entendez “Libérez Rebecca Enonchong” a déjà été utilisé au Cameroun dans près de 16 000 tweets, d’après les statistiques de Twitter. Et des diplomates en exercice au Cameroun ou non sont également entrés dans la mouvance demandant la libération de cette influente femme d’affaires du monde des nouvelles technologies en Afrique.

Parmi ces diplomates, Christophe Guilhou, l’ambassadeur de France au Cameroun, qui poste sur Twitter ce 12 août une photo d’@AfricaTechie avec le hashtag #FreeRebecca.

Si c’est l’ambassadeur en personne qui twitte pour ce qui est de la France, au Canada, c’est le Haut-commissariat qui prend les devants. Le Haut-commissariat du Canada au Cameroun sur son compte Twitter demande aussi la libération de la PCA d’Afrilabs, un réseau d’incubateurs qui accompagnent de centaines des start-up sur le continent africain. Et ceci avec une photo du Haut-commissaire du Canada, S.E. Richard Bale, en compagnie de Rebecca Enonchong.

Hors du Cameroun également certains diplomates ont réagi. C’est le cas de Tibor P. Naguy, ancien secrétaire d’État américain adjoint pour l’Afrique, actuel ambassadeur des États-Unis en Guinée et en Éthiopie et vice-recteur de la Texas Tech University en charge des affaires internationales. Celui-ci en des termes plus durs se demande si le gouvernement camerounais n’a pas honte de cette arrestation.

Les réactions se multiplient sur les réseaux sociaux et dans la foulée un site web de soutien a rapidement été créé pour demander sa libération et présenter qui est Rebecca Enonchong : https://free-rebecca.com/.

Accusés d’ingérence

Si les réactions des diplomates sont pour la plupart appréciées par la majorité des twittos, d’autres condamnent, questionnent ou s’insurgent contre leur ingérence dans les affaires internes de l’État camerounais. C’est le cas d’Arsène Gaël Onana qui questionne le principe de non-ingérence des ambassadeurs.

Comprendre l’affaire

D’après Kah Walla, femme politique et activiste des droits de l’homme, qui donne l’alerte de sa garde à vue, tout commence le mardi 10 août 2021, alors que Rebecca Enonchong se rend à la légion de la gendarmerie pour signer le procès-verbal d’une rencontre  avec les autorités de la gendarmerie dans le cadre d’une affaire familiale qui l’oppose à un homme (son frère d’après certains médias) qui, d’après elle, tente depuis quelques années de s’accaparer illégalement de l’héritage de son père au Cameroun.

Sur place, explique Kah Walla, constatant que les deux affaires du différend familial sont gérées par deux juges différents, elle aurait demandé que toutes les affaires la concernant soient instruites par un seul juge. Demande considérée comme outrage à magistrat, selon l’activiste.

“Il n’y a aucune plainte écrite contre madame Enonchong. Il n’y a aucune convocation. Aucun mandat. Les gendarmes ont mentionné dans leur procès-verbal qu’ils ont reçu des instructions de la part du procureur général pour retenir madame Enonchong sur la charge d’outrage à magistrat”, explique Kah Walla, présidente du Cameroon People’s Party, un parti politique d’opposition.

L’affaire familiale

Les détails de cette affaire familiale racontée sur Twitter par Rebecca Enonchong. C’est bien évidemment la version de celle qui sur Twitter s’appelle @AfricaTechie.

Rebecca Enonchong : une vie professionnelle pour une Afrique plus digitale

La Camerounaise Rebecca Enonchong brise les aprioris selon lesquels l’entrepreneuriat numérique est l’apanage des jeunes d’une certaine tranche d’âge et parfois seulement des hommes. A 54 ans, elle trône au sommet d’Afrilabs et d’AppsTech et apporte son soutien à de nombreux promoteurs africains de startups.

L’entrepreneuriat dans la peau, c’est à 17 ans que la jeune Rebecca prend pour la première fois la tête d’une entreprise alors que deux années plus tôt elle  vendait en porte-à-porte des abonnements de journaux. Parallèlement, elle fait des études supérieures à l’Université Catholique d’Amérique de Washington et y obtient un Bachelor of Science degree et une Maîtrise de Science en Économie.

Deux décennies consacrées à la promotion de la technologie en Afrique

À la fin de ses études, la fille du célèbre avocat camerounais, Henry Ndifor Abi Enonchong continue de travailler pour des organisations comme la Banque Interaméricaine de Développement (Bid) et Oracle Corporation.

En 1999, sa première entreprise AppsTech voit le jour à Bethesda au Maryland. Consciente de la nécessité de numériser le continent, elle y étend ses activités. « Nous ne devons pas rater la quatrième révolution industrielle, surtout au vu du sens de l’innovation et l’esprit d’entreprise qui caractérise la jeunesse africaine d’aujourd’hui », soutient-elle.

En plus d’AppsTech et d’Afrilabs dont elle est fière, elle apporte son expertise à Venture Capital for Africa, connue comme la plus grande communauté d’investisseurs et entrepreneurs pour l’Afrique, ainsi qu’à ActivSpaces (African Center for Technology Innovation and Ventures) et à la Fondation Salesforce.com.

Tour à tour (parfois simultanément), elle siège au conseil d’administration de ces organisations dédiées à la promotion de l’intelligence artificielle sur le continent. En 2015, elle s’engage auprès de l’association African Business Angel Network (ABAN) dont elle est un membre fondateur, pour faciliter la recherche de financements aux jeunes entrepreneurs qui n’ont que leurs idées à vendre.

Son combat pour une industrie numérique plus compétitive en Afrique se heurte cependant à des obstacles qui ont notamment entrainé la fermeture de certaines filiales d’AppsTech au Cameroun. « On dit qu’une bonne transition vers l’économie numérique pourrait faire gagner 3 % de PIB aux pays et sauver des vies : tout le monde a intérêt à ce qu’elle ait lieu, mais tout le monde ne s’en donne pas les moyens», regrette-t-elle dans un entretien accordé à ideas4development.org.

Celle qui dit être éprise des nouvelles technologies n’a pourtant jamais jeté l’éponge tant « La persévérance et la confiance en soi » sont le socle de ses actionsC’est alors sans surprise qu’elle a très souvent glané des récompenses sur plan national et davantage à l’international.

Des lauriers à n’en plus finir. 

En 2001, Rebecca Enonchong reçoit l’« African Entrepreneurship Award ». Dès lors, les prix vont s’enchainer : Leader Mondial de Demain en 2002, prix « Benjamin Franklin Award » pour les PME en 2003, finaliste du concours de l’Africaine de la Femme Digitale en 2013, WIE (les Femmes, l’Inspiration et le Réseau de l’Entreprise) en 2013 parmi d’autres.

En 2014, Black Enterprise fait d’elle la « Femme de Pouvoir » de l’année tandis que le magazine américain Forbes la classe parmi les dix femmes entrepreneurs Tech les plus influentes en Afrique.

Par Digital Business Africa

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