[DIGITAL Business Africa] – Le chef du gouvernement a clôturé le conseil de cabinet du mois de juillet 2024 par une annonce forte : mettre sur pied un outil de gestion des effectifs et de la solde. L’ application « Aigle ». Comme son cousin « épervier », l’ « Aigle » attrapera au collet, avec toute la vigueur possible, les fonctionnaires absents à leurs lieux de service, une fois mise en ligne (l’application). Avant d’en arriver là, le chef du gouvernement avait déjà constaté que « sur 8 mille 766 cas d’absences irrégulières signalées, 7 mille 133 personnels n’ont pas pu lever la suspicion qui pesaient sur eux ».
Pour le ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative, Joseph Le, ces personnels « fantoches » sont actuellement, soit radiés, soit en cours de radiation des effectifs de la Fonction publique camerounaise dans le cadre de l’exploitation des résultats de l’opération de comptage physique des personnels de l’État. Le ministre Le précise que « pour l’heure, ils sont tous suspendus de solde ».
Le Premier ministre, chef du gouvernement, Joseph Dion Ngute, invite les membres du Gouvernement et les autorités administratives qui les représentent dans leurs unités respectives de commandement, à plus de rigueur et de discipline pour que l’Administration Publique camerounaise soit au rendez-vous de la productivité et de l’efficacité, inque le compte rendu de Laurentine Bekono, journaliste à la CRTV.
Le télétravail mis en débat
Ce problème d’absentéisme a soulevé un autre débat. Celui de la modernisation de la fonction publique et donc du télétravail. Mis sur la table de débats de Club d’ Elite sur Vision quatre, ce dimanche 04 août 2024, certains panelistes ont plaidé en faveur du télétravail (travail en ligne). Le Pr Nkou Mvondo, homme politique et enseignant à l’ Université de Ngaoundéré, à par exemple soutenu :
« …Avec un ordinateur, on peut contrôler en moins de dix minutes toutes les voitures du Cameroun, puisque toutes les voitures sont immatriculées, enregistrées dans un ordinateur, on peut savoir à quel moment, à partir de l’ordinateur, à quel moment le véhicule appartenant à un tel a une carte grise qui va se périmer dans deux semaines. On peut savoir à partir de l’ordinateur si une voiture est encore assurée. Il suffit simplement de mobiliser les techniques mondiales, au lieu de s’accrocher au travail en présentiel dans un carrefour. Il y a tellement d’exemples… On peut dire que oui présence, mais ce qu’on doit mettre en avant, c’est la performance et l’efficacité », a-t-il dit.
Un point de vue qui tranche avec celui de Denis Omgba, directeur de l’Observatoire des Médias et de l’Opinion Publique au ministère de la Communication.
« Le travail à distance est encadré. Si vous êtes enseignant, si vous êtes médecin, vous allez soigner les patients étant chez vous? Non, ce n’est pas possible. La présence est nécessaire, je dirais même absolument nécessaire à certains postes de travail. Et puis, aujourd’hui, nous assistons à l’évasion des documents administratifs de forte sensibilité. Si nous pensons que les gens vont rester au quartier parce qu’ils doivent travailler chez eux et gérer les documents administratifs, nous les retrouverons n’importe où, n’importe quand. Il y a une sécurité de l’espace et du cadre du travail qu’on doit mettre en perspective. Et je pense qu’il y a un choix à servir son pays…Il faut plutôt dire aux gens qui entrent dans l’administration que nous avons besoin de travailler, être à nos postes de travail, apporter nos contributions », a-t-il dit. Sur les cause de l’absentéisme, il fait son diagnostic.
« … Il est vraiment difficile de couvrir 30 jours. Vous savez, dans la présence au travail, il y a ce qu’on appelle les conditions de travail. Ces conditions, là, parmi lesquelles il y a d’abord le cadre. Nous sommes dans des départements ministériels où vous voyez des cadres sont nombreux dans des espaces réduits.
Ces conditions de travail parfois n’encouragent pas à venir travailler.
Vous vous souvenez de la grève des enseignants ? Il y en a qui avaient beaucoup d’années sans salaire. Comment est-ce qu’ils vont travailler dans ces conditions ? Aujourd’hui, vous voyez les fonctionnaires qui n’ont pas beaucoup de motivation à travailler. Il y a beaucoup d’entre eux qui ont été envoyés dans les régions en crise, au nord-ouest et au sud-ouest, parfois sans accompagnement particulier ».
Solutions de sortie
Denis Omgba a prescrit une ordonnance face au fléau d’absentéisme qui fait florès à mesure que le temps passe. Et là, il pointe du doigt les patrons sans ménagement.
« Il faut également, me semble-t-il, que nos patrons, nous voulons travailler, nous voulons apporter, nous voulons être à nos postes de travail. Mais je me fais aussi l’écho de ce que j’entends de mes collaborateurs. Il faut que l’État fasse le nécessaire, motive le personnel, revoie les conditions salariales, aménage notre cadre de travail. Il y a même ce qu’on a appelé le profil de carrière. Parfois, des gens travaillent pendant longtemps, n’ont même pas une petite promotion. Il y a même ce que je peux appeler des félicitations, des encouragements. Parfois, il n’y a rien. Vous travaillez, vous arrivez au bout de votre carrière, vous n’avez pas grand-chose. Ce sont aussi des choses, je pense, que l’État doit tenir en compte. Il est prévu des sanctions si vous ne venez pas au travail », a-t-il précisé.
Le consultant de la chaîne Vision 4, Dieudonné Essomba, économiste, a estimé que le gouvernement doit avoir un tableau de bords pour contrôler le fonctionnement de l’Administration publique. Ce qui éviterait à l’avenir d’être rattrapé par des dysfonctionnements à certains niveaux de l’appareil. Sur le télétravail, il pense que le rendement, doit être mis en avant plutôt que la présence. Bien que Dieudonné Essomba insiste sur le fait que certaines tâches nécessitent la présence physique au lieu de service.
Par Jean Materne Zambo, source : spm.gov.cm, club d’élites ( vision 4, édition du 04 août 2024)