(TIC Mag) – Nouveau rebondissement dans l’affaire opposant l’opérateur mobile Viettel Cameroun qui exploite la marque Nexttel et l’opérateur Kakotel SA, détenteur d’une licence de première catégorie pour l’établissement et l’exploitation des réseaux en vue de la fourniture au public des services de communications électroniques.
En effet, depuis le 16 février 2018 que Kakotel Cameroon SA a obtenu sa licence après avoir payé ses droits d’entrée comme le veut la réglementation en vigueur au Cameroun, ce jeune opérateur a du mal à lancer ses activités avec aisance, parce que les trois grands opérateurs mobiles du pays (Nexttel, MTN Cameroon et Orange Cameroun) traînent à établir une réelle interconnexion des services SMS et la terminaison d’appels avec Kakotel SA. L’affaire avait alors été portée par Kakotel devant le régulateur (l’Agence de régulation des télécommunications) pour arbitrage.
Ce 23 août 2018, l’ART a sommé Nexttel de rétablir l’interconnexion avec Kakotel SA. Dans une correspondance adressée au DG de Viettel Cameroun, dont TIC Mag a pu consulter, Philémon Zo’o Zame, le DG de l’ART, demande au DG de Viettel Cameroun, troisième opérateur mobile du pays, de « rétablir sans délai » les interconnexions coupées.
L’injonction de l’ART
« Monsieur le Directeur Général, j’ai l’honneur de porter à votre connaissance que dans le cadre du litige d’interconnexion rappelé en objet, des séances de conciliation sont en cours à l’Agence en vue de trouver une solution à l’amiable à ce problème. Par ailleurs, la suspension d’interconnexions des services SMS et terminaisons d’appels s’étant opéré sans décision préalable de l’Agence, en violation de l’article 58 du décret N°2012/1640/PM du 14 juin 2012 fixant les conditions d’interconnexion, d’accès aux réseaux de communications électroniques ouverts au public et de partage des infrastructures, je vous demande de rétablir ces interconnexions sans délai. Vous voudriez, pour le volet terminaison trafic, prendre les dispositions pour que ledit trafic soit exclusivement destiné aux abonnés du réseau de Viettel Cameroun », écrit le DG de l’ART au DG de Viettel Cameroun.
En effet, le décret N°2012/1640/PM du 14 juin 2012 fixant les conditions d’interconnexion, d’accès aux réseaux de communications électroniques ouverts au public et de partage des infrastructures, en son article 12, stipule que « les opérateurs de réseaux de communications électroniques ouverts au public, titulaires d’une concession, sont tenus de faire droit, dans les conditions objectives, transparentes et non discriminatoires, aux demandes d’interconnexion et d’accès au réseau de tout opérateur des services de communications électroniques ouvert au public, titulaire d’une concession, d’une licence ou d’un récépissé de déclaration ».
L’article 13 de ce même décret précise que « l’interconnexion et l’accès aux différents réseaux de communications électroniques ouverts au public font l’objet d’une convention de droit privé entre les parties, précisant les conditions techniques, financières et administratives prévues par les dispositions du présent décret ».
Kakotel SA appelle à la sanction
Commentant cette décision de l’ART, Joseph Kamgue, le PDG de Kakotel SA, affirme que « l’ART, en enjoignant Nexttel de nous reconnecter sans délais, vient sur le tard réparer une injustice et un abus de position dominante qui n’est d’ailleurs pas propre uniquement à Nexttel, puisque MTN et Orange ont fait pire en refusant carrément de nous interconnecter pour des raisons plus ou moins loufoques n’ayant rien à voir avec la réglementation ».
Joseph Kamgue encourage l’ART, le gendarme du secteur, à « sanctionner avec énergie, afin que personne d’autre ne puisse plus s’aventurer sur ce chemin-là ». D’après lui, Nexttel, en refusant l’interconnexion avec Kakotel, participe à la destruction de l’image de Kakotel SA non seulement devant ses clients, mais également devant ses fournisseurs et devant ses employés.
« Notre crédibilité à la banque est également détruite! Car de l’entreprise modèle que l’on était, on s’est retrouvée blacklistée à cause des entreprises qui se croient tout permis. Comment voulez-vous qu’une banque fasse confiance aux start-up dans ces conditions, si l’une des plus prometteuses d’entre elles ne peut pas travailler faute de clients à cause des mastodontes qui font fi des licences délivrées par le Gouvernement et les poussent sans honte à la faillite? », s’interroge le promoteur de Kakotel SA. Pour lui, il s’agit d’une volonté clairement affichée des opérateurs mobiles concessionnaires (Nexttel, Orange et MTN) de bloquer le développement des entreprises nationales du secteur du numérique.
Un problème rencontré par plusieurs opérateurs licenciés
« Si une banque finance les start-up et celles-ci remboursent elle n’aura aucun intérêt à ne pas financer d’autres start-up qui viennent vers elle. Mais si la banque finance la première start-up et que celle-ci ne rembourse pas, les conséquences pour l’économie sont désastreuses, d’où le constat selon lequel les banques sont surliquides, mais manquent de garantie ou bien de confiance », explique Joseph Kamgue qui souhaite un rétablissement rapide de ces interconnexions non seulement avec Nexttel, mais également avec MTN et Orange.
Au Cameroun, Kakotel SA n’est pas la seule entreprise qui souffre du refus de l’interconnexion de leurs réseaux avec ceux des opérateurs mobiles Orange, MTN et Nexttel. L’entreprise GTS Infotel Cameroon SA de Pierre-François Kamanou, par ailleurs président du REPTIC, sollicite également en vain depuis 2002 l’interconnexion avec Orange et MTN. Seul l’opérateur historique Camtel est sensible aux demandes d’interconnexion des opérateurs nationaux de communications électroniques détenteurs d’une licence.
Par TIC Mag