[Digital Business Africa] – Le groupe Facebook « Le Cameroun c’est le Cameroun » a été suspendu de Facebook le 29 juillet 2020. La suspension de ce groupe créé en mai 2011 et qui compte aujourd’hui 218 435 membres a duré 24h. Expliquant les raisons de cette suspension, Mathieu Youbi, l’un des administrateurs et créateur de ce groupe, a indiqué sur son profil Facebook que ce groupe a été suspendu à la demande du gouvernement camerounais.
« Facebook m’informe qu’à la demande du gouvernement camerounais ils vont devoir fermer temporairement mon forum LCCLC, qui selon eux, “salit l’image du Cameroun et porte atteinte aux efforts de modernisation de l’Etat en construction”. De nombreux activistes pro changement se verront bloqués de Facebook dans les jours qui viennent.
Ce qui est forcément une atteinte à notre droit d’expression. On comprend pourquoi une équipe de Facebook a séjourné au Cameroun aux frais du contribuable. Je ne vais pas me plaindre, car j’ai intégré que le régime a fait ce qu’il fait de mieux et qui est son bilan : La répression… », écrit Mathieu Youbi qui est par ailleurs sympathisant du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), parti politique d’opposition.
Digital Business Africa a contacté Mathieu Youbi afin d’avoir le message précis envoyé par Facebook pour expliquer cette suspension. Mathieu Youbi répond qu’il n’a reçu aucun message direct de Facebook. « Ils ne m’ont envoyé aucun message après la suppression du groupe. Tout comme ils ne nous ont donné aucune raison expliquant le rétablissement du groupe», confie-t-il.
A la question de savoir pourquoi il affirme que cette suspension est faite à la demande du gouvernement camerounais, Mathieu Youbi, explique qu’il est dans un groupe WhatsApp des administrateurs des groupes Facebook de l’Afrique qui contient les membres et experts de Facebook et où un message dans ce sens leur avait été envoyé bien avant. « Dans ce groupe, ils avaient posté une semaine auparavant le message selon lequel Facebook va bientôt supprimer les groupes qui jouent contre l’image de leur pays. Pour moi, cela veut dire les groupes qui salissent l’image du Cameroun. Donc, la suppression ne nous a pas surpris, on a plutôt été surpris de la rapidité dans la mise en oeuvre de la mise en garde qu’on avait reçu», explique le fondateur du forum LCCLC.
L’explication de Facebook
Pour en avoir le cœur net, Digital Business Africa a contacté Facebook pour savoir les raisons de cette suspension temporaire. C’est ainsi qu’un porte-parole de Facebook nous confirme que Facebook ne saurait répondre favorablement à la demande d’un Etat de suspendre un groupe Facebook quelconque. « Les allégations selon lesquelles Facebook aurait fermé des pages ou groupes sur demande du gouvernement camerounais sont purement et simplement fausses. Nous démentons catégoriquement ces affirmations », dément fermement ce porte-parole de Facebook qui s’est confié à Digital Business Africa.
Ce porte-parole de Facebook explique que leur priorité à Facebook est d’assurer à leurs utilisateurs une expérience authentique et sûre. « Dans cet objectif, nous avons mis en place des politiques qui interdisent et sanctionnent certains comportements sur la plateforme qui peuvent sembler inauthentiques ou dangereux. Elles s’appliquent à nos utilisateurs partout où ils se trouvent à travers le monde. Dans ce cas précis, ce groupe LCCLC a été suspendue par erreur par nos outils automatisés et est à présent restaurée », explique ce porte-parole de Facebook. Pour Mathieu Youbi, Facebook devait faire un communiqué dans ce sens.
De la visite de Facebook au Cameroun
Concernant le séjour d’une équipe de Facebook au Cameroun en août 2019, le groupe de Mark Zuckerberg indique que du 19 au 23 août 2019 les responsables politiques publiques de Facebook en Afrique francophone se sont rendus au Cameroun dans le cadre d’une visite de travail ordinaire.
Pour le groupe, ce déplacement s’inscrivait dans le cadre des visites que l’équipe effectue régulièrement à travers tous les pays d’Afrique francophone pour échanger avec les parties prenantes et acteurs locaux, notamment les autorités publiques, la société civile et les ONG.
« L’agenda de cette visite couvrait une série d’activités à Douala, Yaoundé et Kribi dont des rencontres avec des organisations de la société civile, différents organismes gouvernementaux, des experts locaux du numérique et comprenait également des sessions de formation sur la sécurité en ligne », rappelle Facebook.
Pour Facebook, ces différentes rencontres sont autant d’occasions pour encourager l’engagement civique sur la plateforme tout en soulignant la sécurité des utilisateurs. « Dans le cadre de ses visites de terrain à travers le continent, les équipes de Facebook sont fréquemment amenées à rencontrer un éventail de parties prenantes et acteurs locaux, notamment les autorités publiques, la société civile et les ONG. Ces déplacements sont entièrement pris en charge par Facebook conformément à nos politiques d’éthique et de conformité. La visite au Cameroun n’était en rien différente de ces prises de contact habituelles », confie le porte-parole de Facebook.
Lors d’une de ces visites au Cameroun, Beaugas Orain Djoyum, le DG d’ICT Media Strategies, avait d’ailleurs animé avec cette équipe de Facebook une session de formation des acteurs de la société civile camerounaise sur les Fake News.
Des demandes des gouvernements
Peut-il arriver que des gouvernements demandent à Facebook de supprimer post, un compte, un groupe ou d’avoir accès aux données d’un utilisateur ? La réponse est oui. Cela est déjà arrivé et ces demandes n’ont pas toujours prospéré.
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« Nous avons en place un processus très strict pour traiter les demandes des gouvernements s’ils estiment que quelque chose sur Facebook viole la loi locale. Et nous rejetons toute demande trop vague, trop large ou qui ne répond pas aux exigences légales », explique ce porte-parole de Facebook.
« Lorsque nous recevons une demande d’un gouvernement, poursuit le porte-parole, nous l’examinons d’abord au regard des standards de la communauté Facebook. Si nous déterminons que le contenu enfreint nos politiques, nous le retirons. Si le contenu ne viole pas nos politiques, nous effectuons un examen juridique minutieux pour confirmer la validité du rapport. Dans les cas où les signalements ne sont pas valides, sont trop généraux ou ne sont pas conformes aux normes internationales, nous demandons des éclaircissements ou ne prenons aucune mesure. »
Dans tous les cas, Facebook explique que lorsqu’il constate qu’un contenu enfreint effectivement une législation locale, il peut le rendre indisponible dans le pays ou le territoire concerné et publier la demande de ce gouvernement dans son rapport semestriel sur la transparence. Ce rapport répertorie les demandes par pays.
Le groupe Facebook a également mis en place des algorithmes pour limiter la portée des contenus qui enfreignent aux règles standards de la communauté ou aux lois locales. « Nous avertissons également les gens lorsque nous restreignons un contenu qu’ils ont publié sur la base d’un rapport de violation présumée de la loi locale et nous les avertissons également lorsqu’ils essaient de voir un contenu qui est restreint dans leur pays », précise ce porte-parole de Facebook.
Invité à l’émission le Débrief de l’Actu sur Canal 2 International ce 31 juillet 2020, Beaugas Orain Djoyum, le DG d’ICT Media Strategies, a également expliqué qu’il serait très difficile pour Facebook d’accéder à la demande d’un gouvernement au risque de subir les implications négatives que cela pourrait occasionner.
Par Digital Business Africa