Après 18 ans de service à La Nouvelle Expression, le désormais ex-rédacteur en chef délégué de La LNE, démissionne et se consacre à ses projets personnels parmi lesquels newsducamer.com dont il est le promoteur. Il explique ses choix et partage ses ambitions.
Qu’est-ce qui a motivé votre départ de la Nouvelle Expression?
La raison principale est simple : l’une des publications avec laquelle je collabore à l’étranger m’a proposé pour cette année un programme rédactionnel vraiment dense, qui ne pouvait plus me permettre de servir en même temps La Nouvelle Expression qui, vous le savez, est un quotidien, et qui exige une attention de tous les instants. J’ai donc dû partir début janvier 2015. J’ajoute que j’étais depuis 18 ans à la Nouvelle expression, soit près de deux décennies. C’est quand même un peu long et je crois avoir épuisé les possibilités d’ascension professionnelle dans cet environnement. J’avais donc comme un plafond de verre au-dessus de moi et il fallait le faire sauter. Je pense donc qu’il était à la fois impérieux et opportun de réorienter ma carrière.
Vous êtes à présent à la tête du projet NewsduCamer.com. Quelle ambition avez-vous avec ce portail en ligne sur l’actualité camerounaise ?
Nous nous sommes aperçus qu’il n’y avait pratiquement pas de rédaction web au Cameroun. La mayonnaise a pris grâce à l’équipe de jeunes journalistes très enthousiastes qui portent le projet, au soutien des grands plumes de la presse nationale qui signent les éditoriaux et analyses, mais surtout grâce à l’adhésion très croissante d’un lectorat varié, comme en témoignent les statistiques de fréquentation de www.newsducamer.com et la viralité sur les réseaux sociaux. En plus de notre newsletter quotidienne, nous allons bientôt renforcer notre fonction d’alerte et d’instantanéité grâce à de nouveaux instruments technologiques sur lesquelles nous allons communiquer incessamment.
Les annonceurs ont-ils suivis ?
Malheureusement, les annonceurs ne suivent pas au rythme souhaité. Ils sont prompts à nous inonder de communiqués de presse et de demandes de couverture pour leurs événements. Mais quand arrive l’heure de la publicité payante, ils nous expliquent que l’affichage leur paraît plus approprié ou alors qu’ils ont diffusé leurs publicités via les adsense de Google. J’ai bien envie, parfois, de les prier d’aller afficher leurs communiqués de presse sur les panneaux géants ou de faire couvrir leurs manifestations par Google.
Qu’est-ce qui vous a le plus marqué durant votre carrière à La Nouvelle Expression ?
Durant les premières années, l’ambiance au sein de l’équipe était extraordinaire : à la fois compétitive, émulatrice, fraternelle et franchement joyeuse. Et ce sont des choses qui marquent à vie. J’ai aussi observé chez le dirigeant la volonté de faire grandir le groupe. Ainsi, l’hebdo est devenu un quotidien. On a même lancé un satirique (le Mamy Wata) et le groupe s’est enrichi d’une radio et d’une télévision qui figurent désormais parmi les meilleures du pays. On ne peut qu’être fier de vivre ces mutations d’aussi près comme responsable de l’entreprise. Cela aussi m’a marqué car cette progression s‘est faite dans un environnement économique, politique et administratif extrêmement contraignant.
Comment et quand êtes-vous arrivé à La Nouvelle Expression ?
C’était aussi simple que mon départ. En 1997, Sévérin Tchounkeu voulait renforcer le pool économique de la rédaction, car Benjamin Fokou (aujourd’hui à Havas Media) se démenait quasiment tout seul pour tenir la rubrique. J’étais disponible, les choses se sont enchainées normalement et je crois qu’il n’a pas été mécontent de mes prestations.
Comment résumez-vous votre carrière au quotidien La Nouvelle Expression ?
Elle a été satisfaisante en ce qui me concerne: de reporter, j’ai régulièrement eu la confiance de mon employeur pour progresser. Au moment où je pars, je suis Rédacteur en chef délégué, une fonction que je cumulais avec celle de chef du service économie. C’est donc un parcours en entreprise qui me donne satisfaction, avec un dossier disciplinaire vierge.
Quelle a été votre plus belle expérience de journaliste à LNE ?
Dix huit ans c’est long et j’ai du mal à sélectionner un souvenir professionnel marquant plutôt qu’un autre. Surtout que dans le feu de l’action, lorsqu’on est concentré sur son devoir, il n’y pas forcément une expérience plus exaltante qu’une autre. Par deux fois, j’ai été primé comme meilleur journaliste économique de l’année au Cameroun, grâce à mes productions à La Nouvelle Expression. Et j’ai été nominé plusieurs autres fois. Ce qui m’incline à croire que le lecteur a apprécié. D’une manière générale, je dois avouer que je m’y suis habitué dès le début à travailler à un rythme soutenu, un acquis qui m’aide dans mes autres activités.
Votre plus mauvaise expérience en tant journaliste à la LNE ?
Même les mauvaises expériences nous donnent des leçons indispensables pour avancer dans la vie. Des leçons sur lesquelles il faut positiver. Ne pas ressasser les rancœurs et aller de l’avant, c’est mon approche. Et donc, croyez-moi, c’est le cœur léger que j’ai refermé la porte de mon bureau derrière moi. Ceux qui se sont échinés à me nuire ont dû en être les premiers surpris.
Au moment où vous vous séparez de la LNE, quelle est la nature de vos rapports avec le patron de la LNE, M. Sévérin Tchounkeu ?
Nos rapports restent bons. Je ne céderai pas à la facilité de ceux qui couvrent leur employeur de vilenies quand vient le moment de partir. Et d’ailleurs, personne n’est parfait : ni lui, ni moi, ni même vous d’ailleurs. J’ai travaillé 18 ans chez ce monsieur et c’est de là que j’ai bâti une bonne partie de ma vie d’adulte. Je ne vais ni mordre la main, ni cracher dans la soupe.
L’on constate que vous êtes impliqué dans de nombreux projets éditoriaux, notamment à l’international. Comment parvenez-vous à gérer tout cela ?
Comme je vous le signalais plus haut, j’ai toujours eu l’habitude de travailler à un rythme soutenu. S’il m’arrive de me plaindre, c’est plutôt lorsque je n’ai pas assez de commandes d’articles.
Au final, François Bambou écrit pour combien de publications (nationales et internationales) ?
Dès le début de ma carrière j’ai commencé collaborer avec des publications étrangères. Je ne saurais donc les dénombrer. Je peux néanmoins dire ceci : tant qu’il ne s’agit pas de piquer son poste à un confrère, j’ai pour principe de ne jamais refuser du travail. Ceci explique pourquoi ma signature peut figurer dans diverses publications étrangères. Sur le plan local, pour ne pas perdre pied dans la presse nationale, j’occupe depuis le 10 mars 2015 la direction de publication de l’hebdomadaire Défis Actuels.
Vous êtes président de l’association des journalistes de la Presse économique du Cameroun (Press Eco). Quel regard portez-vous aujourd’hui sur le traitement de l’information économique et financière dans la presse camerounaise ?
Il y a incontestablement des améliorations et, bien entendu, toujours des choses à améliorer, d’autant que nous sommes dans un contexte économique très dynamique ou de nouveaux concepts et de nouvelles problématiques apparaissent tous les jours. Souvenez-vous qu’il y a quinze ans, on ne parlait que d’ajustement structurel, puis vint l’initiative Ppte, plus tard les emprunts obligataires et désormais les eurobonds. Et là, je ne parle que des finances publiques. On pourrait multiplier des exemples similaires dans les secteurs des matières premières, de la technologie, du climat des affaires, du management, etc. Cette volatilité peut expliquer qu’il n’y ait pas toujours la maitrise nécessaire pour rendre compte de ces évolutions et les analyser avec la pertinence requise. C’est pour cela qu’au sein de l’association des journalistes de la Presse économique, nous concentrons l’essentiel de nos efforts à organiser des sessions de formations au bénéfice de nos membres. Je dois quand même dire que l’actualité des entreprises manque encore beaucoup dans nos médias.
S’il y avait un conseil à donner aux jeunes journalistes, ce serait lequel ?
Je serais prétentieux de me positionner comme « vieux journaliste » et de surcroit donneur de leçons. Je me permettrais néanmoins de répéter ce que nous enseignent les ainés : ne jamais cesser d’apprendre. Je crois que c’est l’essentiel. Rappeler aux journalistes qu’ils ne sont pas eux- mêmes des savants, même s’ils doivent absolument avoir une culture générale au-dessus de la moyenne, tout en gardant à l’esprit qu’ils ne sont que des courroies de transmission entre ceux qui savent et ceux qui veulent savoir, c’est à dire entre les sources d’information et le public.
Propos recueillis par Beaugas-Orain Djoyum
Source : Agence Ecofin