[Digital Business Africa] – Depuis le 13 juillet 2019, les Tchadiens peuvent librement surfer sur Internet. Après 16 mois de censure, l’accès aux réseaux sociaux est aujourd’hui fluide sans besoin de passer par des VPN. C’est le président de la République, Idriss Déby Itno qui a décidé de la levée de cette coupure de l’Internet (restriction des réseaux sociaux notamment), au dernier jour du forum Tchad Numérique. Pour la première fois, il a aussi expliqué publiquement les raisons de cette coupure.
« Depuis quelques mois, des impératifs sécuritaires avaient conduit le Gouvernement à renforcer les conditions d’accès et les mesures de contrôle des communications électroniques. Ces mesures se sont imposées dans un contexte de menace terroriste accrue que personne ne pouvait ignorer… Pour un pays comme le Tchad qui a connu des heures sombres, il n’est pas admissible que l’Internet, en tant que moyen de communication et de diffusion de l’information, soit détourné à des fins malveillantes par certains individus animés d’intentions funestes à la paix sociale et à l’unité nationale » a expliqué Idriss Déby Itno.
De son avis, la situation a désormais changé. « Aujourd’hui, une réévaluation de la situation me conduit à instruire, séance tenante, les services concernés, à l’effet de lever immédiatement ces mesures de restriction d’accès, à tous les réseaux sociaux en particulier », a annoncé le président tchadien sous les acclamations des participants.
Aussi, Idriss Déby Itno appelle une nouvelle au sens de responsabilité des Tchadiens « afin que ces outils de communication soient effectivement un atout pour notre développement et non une source de division de notre peuple ».
L’on se rappelle que c’était en mars 2018 que le gouvernement avait décidé de suspendre, ou du moins, restreindre fortement l’accès aux réseaux sociaux, et globalement à Internet dans le pays. Privant de fait des millions de tchadiens de ce service aujourd’hui incontournable, y compris pour les élèves et étudiants qui en ont également besoin pour leur formation.
Dans la foulée de cette suspension, plusieurs tchadiens, des ONG internationales telles qu’Internet sans frontières avaient dénoncé cette coupure. Le fait même d’invoquer la résolution du 1er juillet 2016 du Conseil des droits de l’homme des Nations unies condamnant tout gouvernement qui empêche ou perturbe intentionnellement l’accès en ligne n’y aura rien fait. Le gouvernement tchadien est resté de marbre : Internet était toujours restreint.
Au départ, les fournisseurs de services attribuaient cette perturbation à des problèmes techniques. Mais rapidement, des organisations telles qu’Internet sans frontières ont révélé qu’en fait, c’est le gouvernement qui avait ordonné aux entreprises de téléphonie mobile de couper l’accès à Internet. Une situation assez dommageable à l’ouverture du Tchad sur le monde.
Ceci, alors que déjà, le pays n’affiche pas de très bons résultats en matière d’inclusion numérique, se classant parmi les derniers en Afrique. Alors que la moyenne africaine en termes d’accès à Internet est de 37,4%, ce taux n’est que de 5% au Tchad. Dans la même veine, alors que le nombre d’utilisateurs de médias sociaux est en augmentation dans d’autres pays africains, au Tchad, c’est plutôt l’inverse. Au cours des douze mois précédant janvier 2019, l’utilisation des médias sociaux a diminué de 150 000 utilisateurs, soit 54%.
Les ONG et les populations ont salué cette levée de censure sur l’usage des réseaux sociaux. “Nous nous réjouissons que le gouvernement ait finalement entendu la voix des tchadiens, et de la société civile Internationale. Internet ne doit pas être utilisé pour servir les intérêts politiques. Nous restons vigilants, il faut maintenant obtenir une diminution du coût d’accès et une amélioration de la qualité d’Internet au Tchad. Nous invitons le gouvernement, les opérateurs de télécommunications, et la société civile tchadienne à collaborer à cette fin”, a déclaré Abdelkerim Yacoub Koundougoumi, Directeur Afrique Centrale à Internet Sans Frontières.
« La restriction des réseaux sociaux a contribué à ternir d’avantage l’image du gouvernement tchadien. Le président Déby Itno semble s’être rendu compte de son erreur en ordonnant la levée de cette censure. Que espérons que cela ne se reproduira plus, la liberté d’expression en ligne est un droit », a ajouté pour sa part Blaise Noubarassem, Représentant d’Internet Sans Frontières au Tchad.
ISF indique d’ailleurs qu’avec 16 mois de coupure d’accès aux réseaux sociaux, le Tchad vient d’établir un record mondial, en battant son propre record. Car en 2016, une opération de censure similaire avait duré 235 jours, et coûté plus 18 millions d’euros à l’économie tchadienne, selon ISF.
Par Digital Business Africa