L’élection d’Ursula von der Leyen à la tête de la Commission européenne m’en offre l’occasion : j’inaugure avec ce billet une série sur l’Europe de la technologie – ses domaines d’excellence, ses chantiers et ses défis politiques.
S’il est un domaine qui appartient conjointement à ces trois catégories, c’est bien celui des supercalculateurs ! Et l’Europe y a une belle carte à jouer.
Il est des discours tellement rebattus qu’ils finissent par devenir des croyances établies.
En matière de technologie, l’un de ces discours, c’est celui selon lequel l’Europe serait condamnée à un rôle satellite par rapport à la Chine et aux États-Unis. Et, bien qu’elle soit la deuxième puissance économique mondiale, elle devrait regarder depuis la ligne de touche le match entre les deux puissances, comme entre les GAFA et leurs homologues chinois, les BATX (Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi).
Ce point de vue nourrit une sorte de défaitisme, consacrant l’idée que l’Europe devrait se résigner à ce rôle secondaire. C’est pour moi une idée profondément fausse. Car l’Europe recèle de nombreux domaines d’excellence technologique. L’un d’eux, auquel je suis très attaché, c’est celui des supercalculateurs.
L’excellence de l’Europe dans les supercalculateurs
Dans ce domaine où les acteurs de pointe se comptent sur les doigts de la main, Atos occupe la place de leader européen. En juin dernier, nous avons encore démontré que, dans ce domaine crucial, l’Europe peut damer le pion à ses concurrents.
Comment ? En inaugurant le plus puissant supercalculateur français dédié à la recherche, mis en service au Très Grand Centre de Calcul du CEA.
D’une puissance actuelle de 9,4 pétaflops, il atteindra les 22 pétaflops en 2020 – soit la puissance de calcul de 75 000 ordinateurs de bureau !
Ce supercalculateur permettra de donner aux chercheurs européens l’accès à de nouvelles capacités de calcul, dans des domaines aussi variés que l’astrophysique, la recherche moléculaire, la géologie ou la météorologie.
Et s’il est un domaine auxquelles les entreprises européennes sont en pointe, c’est bien celui de l’exigence environnementale : ce supercalculateur divise ainsi par deux la consommation énergétique de son prédécesseur – l’occasion de rappeler qu’Atos avait déjà placé 15 de ses supercalculateurs dans les 100 premières places du classement mondial des supercalculateurs les plus économes en énergie.
Au XXIème siècle, la souveraineté européenne passera par sa maîtrise technologique
Mais peut-être me demanderez-vous : dans ce domaine comme dans d’autres, pourquoi est-il donc si important d’avoir des acteurs technologiques européens ?
Je crois que la situation actuelle nous apporte une réponse claire : dans la guerre commerciale que se livrent les États-Unis et la Chine, l’Europe doit être maîtresse de son destin.
Être entièrement dépendant des technologies d’autrui, y compris pour nos données stratégiques, c’est accepter une certaine tutelle. C’est accepter aussi que les règles du jeu s’écrivent ailleurs.
Et l’Union européenne en est de plus en plus consciente. Elle est aussi consciente que les entreprises européennes n’ont pas toujours accès aux mêmes financements que les entreprises américaines ou chinoises, qui bénéficient souvent de larges programmes gouvernementaux, notamment militaires.
Être entièrement dépendant des technologies d’autrui, c’est accepter que les règles du jeu s’écrivent ailleurs.
Mais les choses changent ! En témoignent deux programmes européens ambitieux qui visent à permettre à l’Europe de tenir son rang dans les technologies d’avenir.
Le supercalculateur du CEA s’inscrit dans un programme baptisé EuroHPC, qui rassemble les acteurs européens du domaine pour concevoir un supercalculateur européen capable d’atteindre l’exascale – c’est-à-dire traiter un milliard de milliards d’opérations par seconde – d’ici 2025.
Pour cela, il s’appuie sur l’European Processor Initiative, un programme dédié aux micro-processeurs pour lequel Atos a été choisi comme chef de file.
Refusons l’Oscar du meilleur second rôle !
Ces deux programmes sont d’importance – car être en pointe dans le domaine technologique, c’est aujourd’hui une question de souveraineté. Et si l’Europe veut participer au match qui se joue, elle doit en affirmer la volonté, cette volonté qui est l’antidote de tous les défaitismes.
Car disons-le : en matière technologique, nous avons les capacités, les technologies et les compétences.
De nos écoles et de nos universités sortent chaque année des jeunes très bien formés : Atos, qui en recrute plusieurs milliers chaque année et qui a noué des partenariats avec les plus grandes universités européennes, est bien placé pour le savoir. Nos infrastructures sont aussi parmi les meilleures au monde.
Cela mérite donc d’être dit et d’être répété : il n’y a aucune raison, pour que l’Europe de la technologie soit abonnée aux seconds rôles. Nous avons notre destin technologique entre nos mains !
Par Thierry Breton*
*Thierry Breton, Président-Directeur Général d’Atos
Thierry Breton est Président-Directeur Général d’Atos, société internationale de services informatiques et de technologies numériques présente dans 73 pays, avec un chiffre d’affaires annuel de près de 13 milliards d’euros en 2018 et 120.000 collaborateurs. Atos fournit à ses clients du monde entier des services transactionnels de haute technologie, des solutions de conseil, d’intégration de systèmes et de gestion des données. Thierry Breton est le Président de la Communauté scientifique d’Atos qui réunit régulièrement les 100 meilleurs scientifiques du groupe. Atos est également le partenaire informatique mondial des Jeux Olympiques jusqu’en 2024, responsable de l’ensemble de la technologie informatique des Jeux qui permet de transmettre les résultats des compétitions en moins d’une seconde au monde entier.
Nommé Président-Directeur Général d’Atos en novembre 2008, Thierry Breton a conduit la transformation du groupe pour améliorer sa performance opérationnelle et donner un nouveau souffle à l’innovation, source de valeur ajoutée pour ses clients, grandes entreprises multinationales et importantes organisations du Secteur Public. Il a mené à bien l’acquisition de Siemens IT Solutions & Services en juillet 2011, donnant naissance à un nouveau champion mondial des services informatiques, puis celle notamment de Bull et de Xerox ITO en 2014 et 2015. La valorisation nette de l’entreprise a été multipliée par plus de 10. Le groupe Atos est entré au CAC40 le 20 mars dernier.
Au cours de sa carrière, Thierry Breton a occupé de nombreuses fonctions de direction dans le monde économique, politique et académique. Avant de rejoindre Atos, il était Professeur à la Harvard Business School, titulaire du cours : « Leadership and corporate accountability« . Ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie de la France de 2005 à 2007, son action se concentra sur la réduction de la dette publique et sur l’investissement dans de nouveaux territoires de croissance comme les actifs immatériels. Il a été le Président-Directeur Général de France Télécom de 2002 à 2005, période durant laquelle il a réorienté l’entreprise sur la convergence fixe-mobile-internet et augmenté significativement le nombre de brevets déposés par l’entreprise. Durant cette période, le chiffre d’affaires de France Telecom a sensiblement augmenté (+14%) de même que ses efforts de R&D tandis que la dette a décru de 70 milliards à 32 milliards d’euros.
Auparavant, il a été Président-Directeur Général de Thomson– tout en occupant les fonctions de Directeur de la recherche de l’entreprise- de 1997 à 2002. Entré chez Bull en 1993 comme directeur de la stratégie pour repositionner les activités du groupe, il en est devenu Directeur Général et Vice-Président du Conseil d’Administration jusqu’en 1997. Thierry Breton a débuté sa carrière comme entrepreneur à New York en créant «Forma Systems», société spécialisée en ingénierie informatique.
Thierry Breton a reçu de nombreuses distinctions durant sa carrière. En 2004, il a reçu le titre de European Business Leader of the Year et a été élu deux fois « stratège de l’année », en 2000 et 2011, par le journal « Les Echos ». En janvier 2010, la « Harvard Business review » publia une liste des « 100 CEOs les plus performants » : Thierry Breton fut l’un des rares Européens à figurer dans ce classement. Il a été élevé, en 2012, à la dignité de Grand Officier dans l’Ordre national du mérite et est Commandeur de la Légion d’honneur depuis décembre 2015. Il a été élu Industriel de l’Année en novembre 2016 par le magazine « Usine Nouvelle ».
Il est l’auteur de nombreux livres sur les technologies de l’information et l’économie.
Administrateur du Conseil d’administration de Carrefour, de Sonatel (Dakar), membre du Conseil consultatif international de Bank of America Merill Lynch aux Etats-Unis et du Conseil d’administration de SATS à Singapour, Thierry Breton est diplômé de l’Ecole supérieure d’électricité (Supelec) et de l’IHEDN (Institut des hautes études de défense nationale). Il a été élu Président de l’Association nationale de la recherche et de la technologie (ANRT) en mars 2015 et membre de l’Académie nationale des technologies en décembre 2015.