Longtemps considérée comme un objet d’études marginal, l’Afrique revêt un rôle central dans un projet ambitieux et colossal d’analyse géopolitique, L’Etat de l’Afrique dont la première édition a paru aux éditions Afrédit.
D’où viennent l’information et la connaissance au sujet de l’Afrique ? L’essentiel de la connaissance reprise par des journalistes et chercheurs africains au sujet de l’Afrique provient des documents publiés par l’ONU, l’UNESCO, la Banque mondiale, le FMI, etc. Il faut ajouter à cela des think tank européens et américains, des media de masse tels que RFI, France 24, BBC, Euronews, Le Monde, etc. La question se pose de savoir si une telle connaissance est favorable à l’Afrique.
La réponse apportée par Maurice Simo Djom dès l’avant-propos de L’Etat de l’Afrique 2024 est porteuse de scepticisme. L’auteur ne croit pas en une connaissance neutre et objective. Il parle d’ailleurs de perspective, une façon de voir et de concevoir l’information et la connaissance.
Si donc les institutions de Bretton Woods, les media affiliés aux cercles d’influence privés et publics disposent d’une perspective, alors il est souhaitable que l’Afrique en prenne conscience et réponde par la sienne. Par où commencer ? Des think tank africains qui produisent des données sur la base d’enquêtes financées de façon endogène. Mais aussi des media qui présentent l’information du point de vue africain, selon les intérêts de l’Afrique. Peut-être un document de référence publié sur la base d’une périodicité annuelle, qui contienne les tendances géopolitiques du continent et le jeu du monde ?
C’est dans cette dernière catégorie que se situe le gigantesque projet L’Etat de l’Afrique que vient d’inaugurer Maurice Simo Djom : « L’Etat de l’Afrique est un projet de connaissance qui vise à élaborer une perspective africaine de l’Afrique et du monde. L’ambition annoncée est de fournir une boussole annuelle à tous ceux qui veulent comprendre l’Afrique sans préjugé », peut-on lire dès la première page de l’avant-propos qui fixe les hostilités.
L’auteur de La guerre économique veut donc publier chaque année un volume pour produire la connaissance sur l’Afrique. L’édition inaugurale, celle de 2024 a été publiée au premier trimestre de l’année par les éditions Afrédit. Elle revient sur les temps forts de l’année 2023 et ne couvre que l’année 2023 stricto sensus. Sur 308 pages, on retrouve 24 tendances réunis en 7 dimensions ou dynamiques. Les tendances, nous dit l’auteur, ce sont les identités remarquables qui se dégagent de l’analyse des faits d’actualité croisée avec la profondeur historique et la prospective. Les dimensions ou dynamiques, ce sont des familles de tendances. Elles rapprochent le lecteur d’un mouvement d’ensemble. Le mouvement d’ensemble est dévoilé à la conclusion, c’est l’empowerment géopolitique de l’Afrique. Par-delà les fragilités internes et la prédation observées dans les dimensions économiques, sécuritaires, de la gouvernance, pour ne citer que celles-là, l’auteur est pénétré par la foi en l’avenir du continent. Ce dernier se fraie un chemin plutôt rassurant dans le paradigme multipolaire qui se met en marche.
L’auteur fait remarquer que 2023 est l’année de l’Afrique dans la quête mondiale du multipolaire : au mois de juillet à Johannesburg, en Afrique du Sud, le Sommet des BRICS se tient en l’absence des pays occidentaux. 80 ans plus tôt, souligne-t-il, aucun pays africain n’était présent à la conférence de Breton Woods. Un nouveau monde est-il né ? « Tout en étant un thermomètre, L’Etat de l’Afrique n’en est pas moins une boussole. » C’est donc dire que l’auteur parie sur l’avenir.
Le préfacier de l’ouvrage, le Professeur Jean-Emmanuel Pondi, salue et recommande l’ouvrage pour cette raison : « De par son contenu, au regard du traitement méticuleux et rigoureux accordé aux données statistiques qu’elle offre à voir, la présente publication comptera sûrement parmi les travaux les plus référencés dans le cercle des chercheurs africains qui travaillent sur l’Afrique, avec le souci de voir (enfin) ce que les Africains pensent eux-mêmes de l’évolution des différentes dynamiques en cours sur leur continent. »
Il n’y avait qu’un Africain pour aller aussi loin dans le détail et la précision, pour rechercher la justesse loin des généralités paternalistes généralement observées dans les analyses de géopolitique où le chapitre sur l’Afrique n’est qu’un addenda. Au contraire, pour savoir comment se portent les USA, l’Union européenne, le Proche-Orient ou l’Amérique latine, il faut attendre la fin du livre et une dizaine de pages consacrées au reste du monde.
Par DBA