(TIC Mag) – Interrogé au cours du forum sur les services 3G et 4G dans l’économie numérique au Cameroun tenu du 09 au 10 février 2016 à Yaoundé et organisé par l’Agence de régulation des télécommunications (ART), le DG de l’ART, Jean-Louis Beh Mengue, a laissé entendre qu’il avait été très gêné par l’abattement fiscal accordé à MTN et à Orange Cameroun par le ministre des Finances, Alamine Ousmane Mey, et le ministre en charge des Télécoms de l’époque, Jean-Pierre Biyiti bi Essam, lors des négociations en vue du renouvellement de leur licence télécoms. C’était en 2015.
Déjà, dans un rapport récemment publié par la Commission nationale anticorruption, Garga Haman Adji, affirme que lors de sa mission de contrôle auprès des opérateurs mobiles Orange et MTN, la Conac a pris connaissance de deux protocoles d’accord signés en mars et en juin 2015 par le ministre des Finances et le ministre des Postes et Télécommunications. « Par ces deux ’’protocoles d’accord’’, ces deux autorités ministérielles concèdent un abattement de 60% sur les redevances et contributions dues par Orange Cameroun et MTN Cameroon, mais non encore payées à l’ART, personne morale de droit public, créancière chirographaire légale et exclusive de ces sommes », écrit la Conac. « Cette libéralité, conclût la commission nationale anticorruption, équivaut purement et simplement à un CADEAU de 52 560 058 300 (cinquante-deux milliards cinq cent soixante millions cinquante-huit mille trois cents) F.Cfa, lequel cadeau est généreusement alloué, sur le dos de l’Etat, à Orange Cameroun, pour 28 339 783 500 (vingt-huit milliards trois cent trente-neuf millions sept cent quatre-vingt-trois mille cinq cents) F.Cfa et à MTN Cameroon, pour 24220274 800 (vingt-quatre milliards deux cent vingt millions deux cent soixante-quatorze mille huit cents) F.Cfa ».
D’après les explications du DG de l’ART, au début, lors du renouvèlement des conventions de concession des opérateur MTN et Orange, l’ART avait fixé un montant de droit d’entrée qui couvrait à la fois le renouvellement de la 2G et l’octroi de la 3G. Montant que MTN et Orange ont refusé de payer. D’où le début des négociations qui se sont effectuées sans la présence de l’ART.
Pour Beh Mengue, « il y a donc eu des négociations entre le gouvernement et les opérateurs. Le chef du département des Télécommunications (Jean-Pierre Biyiti bi Essam, ndlr) était celui qui menait ces opérations. Après plusieurs rencontres entre le gouvernement et les opérateurs d’une part, et à l’intérieur du gouvernement d’autres part (avec le ministère des Finances, ndlr), il y a eu des orientations qui ont été données au cours des réunions. Il y avait notamment deux camps. Un camp qui voulait que l’on tourne totalement la page des arriérés et autre impayés au moment où on renouvelle pour que l’on commence sur des nouvelles bases. L’autre camp voulait qu’on dissocie le renouvellement de la convention et les problèmes de sanction et autres impayés. Pendant les réunions qui étaient officielles avec la présence de tous les responsables en rapport avec ce dossier, c’est le camp qui voulait que l’on tourne la page qu’on a suivi. C’est pour cela que les responsables qui devaient donc mener les discussions savaient qu’il fallait régler le problème une fois. Ce n’était pas la décision personnelle d’un individu ».
La Cour des comptes
Plus tard, l’ART sera informée de la décision prise. « C’est par la suite que les résultats de ces négociations nous sommes parvenus. J’avoue qu’en en ce qui nous concerne, puisque je me trouvais dans le camp de la dissociation des deux opérations, cela nous a gêné à l’ART. Parce que nous avons fait les émissions pour un montant pendant plusieurs années et la Cour des comptes doit s’attendre à ce qu’on justifie la contrepartie de cette partie des émissions de recettes. Quand il y a rabattement, cela met en cause l’ART. L’Art n’a pas participé aux négociations », explique le DG de l’ART.
Il faut noter que certains observateurs affirment que le DG de l’ART et le ministre en charge des Télécoms de l’époque s’étaient entendus pour faire des rabattements et prendre des dessous de table. « Ce n’est pas la vérité », tranche Jean-Louis Beh Mengue, qui rejette en bloc toutes ces accusations en indiquant que ce sont les deux ministères de tutelle qui menaient les négociations et non pas l’ART. Leur décision met d’ailleurs en difficulté le régulateur qui a des comptes à rendre à la Cour des comptes, affirme le régulateur. C’est pourquoi son DG interpelle d’ailleurs ouvertement ces deux ministères pour qu’il n’y ait pas de problèmes à l’avenir avec ce dossier.
« Il y a la tutelle technique qui est le ministère des Postes et Télécommunications et la tutelle financière qui est le ministère des Finances qui ont signé le document (portant l’abattement fiscal, ndlr) et en engagent le gouvernement. Pas leur individu. Nous leur disons qu’ils doivent prendre des dispositions réglementaires pour nous donner quitus de ce que nous n’avons pas à répondre de ce qu’il y a dans la différence qu’il y a entre les émissions de recettes et ce qui est effectivement encaissé. Voilà le problème, il n’y a pas de tabou », plaide-t-il.
En rappel, certains journaux comme Le quotidien de l’Economie avaient laissé entendre que c’est le président de la République, Paul Biya, qui aurait validé cet abattement fiscal de 60%.