Moctar Yedaly : « Nous voyons un engouement sans précédent des marques internationales sur le .africa »

(TIC Mag) – Moctar Yedaly, le chef de la Division de la Société de l’information, de l’Infrastructure et de l’Énergie de l’Union africaine, est, d’après Dr. Elham MA Ibrahim, la précédente Commissaire aux Infrastructures et à l’Energie de la Commission de l’Union africaine, celui qui a travaillé sans relâche pendant les huit dernières années pour la mise en place du domaine africain de premier niveau .africa. Ceci en dirigeant l’équipe de travail DotAfrica de l’Union africaine.

Malheureusement, comme le faisait remarquer TIC Mag il y a quelques semaines, ce sont les sociétés étrangères et les grandes marques internationales qui enregistrent le plus leur nom de domaine en .africa.

Après la mise à la disposition au grand public du .africa le 04 juillet 2017, TIC Mag a donc rencontré Moctar Yedaly pour savoir comment les Africains accueillent ce nom de domaine et quelles sont les stratégies mises en place par l’Union africaine pour inciter davantage les Africains à adopter leur nom de domaine .africa. Tout en revenant sur son implication dans l’aboutissement de ce projet de dotAfrica.

TIC Mag : Vous avez été au cœur du très long processus de mise en place du .africa aujourd’hui disponible aux Africains. Comment expliquez-vous votre engagement pour l’aboutissement de ce long processus qui aura duré une dizaine d’année ?

Moctar Yedaly : Simplement le sens du devoir et de la responsabilité envers mon continent. Sur cette question du point Africa, le président Ghanéen avait dit : « Il a des choses qu’un individu ne peut pas avoir. Il y a des choses qu’un pays ne peut pas avoir. Point Africa est une chose qu’un individu ne peut avoir ou qu’un un pays ne peut avoir ».  Cela a été une source d’inspiration.

TIC Mag : À ce jour, comment appréciez-vous le taux d’appropriation de ce .africa par les Africains ?

M.Y. : Contrairement au reste du monde, le point Africa est peu compris par les Africains. Depuis le lancement de ce nom de domaine en mars 2017, nous avons vu un engouement sans précédent de la part des sociétés étrangères et surtout des grandes marques internationales comme Google, Facebook, Microsoft, BMW, etc.. La liste est longue. Plus de 1 000 noms de domaine sont enregistrés sur .africa. Moins de 10% de ces noms de domaine sont en Afrique ou africains.

TIC Mag : Quelles sont donc les stratégies que la Commission de l’Union africaine a mis en place pour encourager les Africains, les institutions et les entreprises exerçant en Afrique à adopter le .africa?

M.Y. : Au vu de la situation que je viens de mentionner, la Commission de l’UA a d’abord mobilisé les gouvernements des Etats membres pour réserver les noms d’importance économique, culturelle et sociale pour le pays avant la mise à la disponibilité générale au public le 4 juillet 2017. Ensuite, le dernier sommet de l’UA a connu le lancement d’une campagne d’explication et de marketing au sein des pays (un ROAD SHOW) qui va durer plus de six mois. Nous devrions rendre compte à ce sujet au même sommet. La Commissaire de l’UA chargée des Infrastructures, des TICs et du Tourisme, S.E. Dr Amani Abou-Zeid, qui a lancé cette campagne pendant le sommet suit de près cette situation.

TIC Mag : Pourquoi l’Union africaine elle-même n’a pas encore redirigé son nom de domaine au.int en au.africa ?

M.Y. : Simplement parce que « AU » est le code pays de l’Australie protégé par la réglementation internationale. Les Australiens ont donné leur accord de principe pour utiliser « au.africa ». Nous devrions engager une procédure auprès de l’ICANN pour finaliser le cas. En attendant « auc.africa » pointe sur au.int.   Ce n’est qu’une question de jours.

TIC Mag : Quand un tiers a enregistré un nom de domaine .africa à la place d’une institution ou d’une entreprise, quelles sont les voies de recours qui se présentent à l’institution pour récupérer son nom de domaine .africa ?

M.Y. : Ce genre de question peut être traité a deux niveaux : premièrement auprès de Registry Africa (ZACR, ndlr) qui est l’opérateur du .africa ; deuxièmement auprès de l’ICANN. Les procédures sont claires et connues de tous. Nous avons pris les précautions pour éviter les cas flagrants. Espérons que tout ira bien.

TIC Mag : DCA avait déposé une plainte au tribunal américain de Californie pour son litige avec la ZACR (South African Central Registry) sur le .africa. On sait que les États-Unis ont déjà marqué leur accord pour céder la gestion de l’Internet. Pourquoi faut-il toujours aller aux États-Unis pour les litiges sur le point africa ?

M.Y. : Cette décision sur l’ICANN (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers, ndlr) est assez récente. Pour le moment l’ICANN qui est le responsable de la gestion des ressources critiques de l’Internet est incorporée aux USA en Californie.  Donc, une entité de droit américain. Le débat sur la restructuration de l’ICANN est en cours.

TIC Mag : L’Afrique ne peut-elle pas gérer ce genre de litige sur les noms de domaine .africa à l’avenir ?

M.Y. : Peut-être bien et je l’espère. Mais, ne vaut-t-il pas mieux prévenir que guérir ? Si dès à présent nous réservions les noms auxquels nous avons droit on aura moins de conflits et notre opérateur se concentrerait mieux sur l’exploitation du nom de domaine plutôt que sur la gestion des conflits.

Propos recueillis par Beaugas-Orain DJOYUM


Cet article fait partie du Dossier spécial : « .africa : une longue histoire, mais désormais une fierté continentale ». Lire les autres articles de ce dossier…

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