Philippe Mingotaud : « Un Etat qui veut jouer un rôle dans le domaine du numérique doit savoir planifier et investir dans la durée »

[Digital Business Africa] – Il y a quelques mois, Philippe Mingotaud, spécialiste sur les questions de l’informatique et des nouvelles technologies et par ailleurs Directeur de MTP-Editions, mettait en vente les suites logicielles ServoCall et SerVisual. Dans cet entretien avec Digital Business Africa, il explique les avantages de l’acquisition des code-sources d’une suite logicielle.

Digital Business Africa : Après 12 ans d’activité, MTP-Editions vend les codes sources de ses logiciels. En quoi acheter du code-source est-elle une stratégie gagnante pour une entreprise ?
Philippe Mingotaud :
Tout dépend de l’acheteur, de son secteur d’activité et de son projet. En investissant dans un code opérationnel, une société acquiert de nouveaux outils, de nouveaux services, de nouvelles compétences et gagne en efficacité, en crédibilité et en autonomie. C’est indiscutablement une bonne solution pour renforcer rapidement son implantation et dynamiser son business. Mais étonnamment, ce n’est pas encore une démarche très répandue chez les TPE et le PME qui ne la voient pas forcément comme assurément rentable ni comme un moyen efficace de développer au mieux leur R&D.

Digital Business Africa : Comment expliquez-vous cela ?
Philippe Mingotaud :
Les entreprises de taille intermédiaire n’ont pas toujours les compétences techniques et commerciales en interne afin de convaincre leurs dirigeants du bien-fondé de la démarche, ni pour mener à bien les recherches, les évaluations et les tractations nécessaires.
Elles craignent à la fois une obsolescence des sources, des difficultés pour les exploiter correctement et de devoir débourser des sommes importantes, comme celles dont on entend parler lors de certaines ventes fortement médiatisées.

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Mais tous les codes sources en vente sur Internet ne se négocient pas en millions d’euros. Il existe de réelles opportunités pour les entreprises, à des prix très abordables avec un retour sur investissement rapide et garanti. Mais, encore faut-il savoir les trouver, les estimer et les négocier.

Parmi les structures qui auraient tout intérêt à étudier plus souvent cette option on trouve, au-delà des entreprises, les organismes de formation ainsi que les collectivités et les services d’Etat dont les missions sont d’œuvrer au développement du numérique dans leur pays.
Digital Business Africa : Cela peut-il être un moyen pour certains Etats africains de combler leur retard numérique et espérer un jour avoir leurs propres GAFA ?
Philippe Mingotaud : En matière d’informatique, les réalités d’aujourd’hui ne sont plus celles des années 80. On ne démarre plus un empire numérique en connectant un PC dans son garage.
Désormais, un Etat qui veut jouer un rôle dans le domaine du numérique doit savoir planifier et investir dans la durée. Des efforts financiers importants ont été consentis en Afrique pour le déploiement de la fibre. Il n’y a pas particulièrement de “problème africain”.

Beaucoup de pays dans le monde n’ont pas les moyens de leurs ambitions numériques et ce, pour plusieurs raisons. Certains gouvernants pensent que les Etats n’ont pas à intervenir directement dans les affaires des entreprises et qu’il leur suffit de faire confiance aux bienfaits de l’initiative, de la libre concurrence et de l’autorégulation économique pour voir apparaître de nouveaux géants. D’autres gouvernants pensent que les enjeux numériques de demain, la robotique, l’IA, les réseaux de télécommunications, etc. sont de nouveaux défis qui permettront de redistribuer les cartes du leadership à la manière de la téléphonie mobile vis à vis de la téléphonie fixe. Ils espèrent que leurs start-ups sauront prendre le train en marche, en misant sur la jeunesse, la motivation et en ignorant délibérément leur inexpérience et leur manque de moyens.

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Ils ne voient pas en quoi tout est lié et interdépendant, ni pourquoi la qualité des infrastructures existantes peut favoriser ou handicaper la réussite des entreprises. Prenez l’IA. Elle revêt de multiples réalités dans la tête de celles et ceux qui souhaitent pouvoir s’en servir. Mais elle n’est le plus souvent, dans sa conception, qu’une continuité d’un existant, une meilleure capacité à synthétiser un plus grand nombre de données, à mémoriser et à réutiliser automatiquement des “process machines” déjà validés.

Elle n’a pas vraiment vocation à prendre, hors contrôle, des décisions pouvant être contestées par la suite. Son objectif reste le même que celui que prônait l’informatique des années 80 : rendre les machines toujours plus performantes afin d’imiter puis de dépasser les capacités humaines : la force, la précision, la régularité et l’endurance; la machine se devant d’être toujours plus fiable, résistante et productive.

Aujourd’hui, l’IA est essentiellement conçue pour être “embarquée”, en vue de piloter des matériels, les bras robotisés, les machines-outils, les véhicules autonomes, etc. Ainsi, aussi sophistiquée soit-elle, elle n’aura réellement d’intérêt qu’associée à une production industrielle de qualité.

Digital Business Africa : Que peut gagner un département ministériel en charge des TICs à acquérir un code source opérationnel ?
Philippe Mingotaud : Cela lui permettra à la fois de gagner un temps précieux, de montrer la voie et de rassurer. En implémentant ou en permettant aux entreprises et aux centres de formation d’implémenter du code, pour l’adapter aux spécificités de leur activité, sans déperdition d’information liée aux intermédiaires, sans coûts financiers attachés aux contrats des prestataires. Il pourra les aider dans de nombreux secteurs comme le commerce, l’agriculture, la gestion, la communication, la sécurité, le transport, l’éducation, le social, le culturel et le loisir, sans oublier l’IA. En diffusant du code librement, tel un noyau Unix ou Linux, il favorisera les échanges et les collaborations entre entreprises et renforcera l’organisation de son économie autour du numérique.
En mobilisant les énergies, en organisant les synergies, en fédérant les bonnes volontés, il contribuera à la mise en place de structures technologiques compétitives en mesure de rivaliser avec celles d’autres pays et capable de répondre aux défis du moment.

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Digital Business Africa : Et quels bénéfices pour les entreprises d’acquérir un code source opérationnel ?

Philippe Mingotaud : L’achat de codes-sources est sans aucun doute la meilleure des solutions pour les entreprises, les organismes de formation et les services d’Etats qui veulent jouer un rôle de premier plan et qui comprennent que pour cela ils doivent coopérer. Ceux qui pensent qu’avec les nouveaux défis du numérique, l’intelligence artificielle, le big data ou la robotique “une page se tourne” se trompent. Ceux qui croient qu’avec trois fois rien, ils parviendront à s’y faire une place de premier plan risquent eux aussi de déchanter.

Le savoir-faire et l’expérience restent plus que jamais des atouts déterminants pour réussir. A défaut, il ne faut pas hésiter à en acheter, afin d’obtenir à bon compte tout ce qui est nécessaire pour rester ou pour entrer dans la course à l’innovation.

L’heure est aux alliances et la dot reste encore le meilleur moyen d’intéresser les investisseurs et de faciliter les mariages d’entreprises. Une offre telle que celle de MTP-Editions est un bon moyen de constituer cette dot. Désormais, sauf à faire dans l’artisanal ou les “niches” feutrées, il convient, dans le numérique, de ne pas tergiverser, ni de lésiner sur les conditions à réunir pour pouvoir compter et prospérer rapidement.

Propos recueillis par Digital Business Africa

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