Pour Antonio A. Pedro, l’Afrique centrale peut tirer profit de l’essor mondial des voitures électriques

[Digital Business Africa] – La Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique et le gouvernement de la Guinée équatoriale organisent depuis le 23 septembre 2019 à Malabo la 35ème session du Comité Intergouvernemental de Hauts Fonctionnaires et d’experts (CIE). La rencontre se tient au Centre de conférences de Sipopo sous le thème « Transformations numériques et diversification économique en Afrique Centrale: enjeux, défis et opportunités ».  Digital Business Africa a profité de cette occasion pour interroger le directeur du Bureau sous-régional pour l’Afrique centrale de la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique, Antonio A. Pedro. Car ce dernier a fait des propositions pour booster la croissance des Etats de la sous-région en focalisant sur le numérique.

Par exemple, martèle-t-il, il faut tirer avantage des possibilités d’industrialisation qu’offre l’économie numérique dans le secteur de l’agriculture. « Nous considérons que l’économie numérique offre à l’Afrique centrale une opportunité pour s’industrialiser et diversifier ses économies.  Cette transformation pourrait s’opérer dans le secteur agricole. En effet, la digitalisation de l’agriculture est une tendance de plus en plus pratiquée dans certains pays », affirme-t-il.

Le directeur du Bureau sous-régional pour l’Afrique centrale de la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique cite le cas du Maroc qui a initié un vaste plan de la digitalisation de son agriculture en se dotant d’outils performants comme un système informatisé visant à optimiser le rendement agricole, un dispositif d’alerte précoce des sécheresses ou d’établissement de carte de fertilité des sols, tout cela au service  du développement de la chaîne de valeur agroalimentaire,  au profit d’un secteur agricole attractif et générateur d’emploi pour les jeunes. « Ces outils ont permis d’améliorer la productivité, la traçabilité, la qualité, l’accès aux marchés, la gestion efficace des intrants et des ressources ainsi que la réduction de 25 % des pertes de récoltes dues aux intempéries, d’après une étude de IBM research », relève M. Antonio A. Pedro.

Antonio A. Pedro
Antonio A. Pedro, directeur du Bureau sous-régional pour l’Afrique centrale de la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique

Voitures électriques : Des revenus totaux estimés à 300 milliards de dollars US

En plus du secteur agricole, le secteur des voitures électriques pourrait être un domaine de choix pour la diversification économique de l’Afrique centrale. La sous-région étant riche en cobalt, matériau nécessaire pour la production des batteries des voitures électriques, le directeur du Bureau sous-régional pour l’Afrique centrale de la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique pense que cette industrie pourrait bénéficier à toute la sous-région si une chaîne de valeur voiture électrique était développée. « D’après les prévisions de l’Oeko-Institut, le nombre de véhicules électriques alimentés par batteries connaîtra une augmentation exponentielle, passant de 3 millions en 2015 à 20 millions en 2020 et à 160 millions en 2050. Plus de 70% de la production mondiale de cobalt est concentrée en RDC. Pourtant, ce pays producteur ne représentera que 3% des revenus totaux estimés à 300 milliards de dollars US qui seront générés en 2030, très en deçà des 25% et 46% des revenus qui seront générés par les pays qui raffinent le cobalt et fabriquent des cellules, respectivement », explique Antonio A. Pedro.

D’où sa suggestion : il serait judicieux pour la sous-région de lancer une réflexion sur la possibilité de se spécialiser dans la production de batteries et de véhicules électriques plutôt que d’exporter le cobalt sans valeur ajoutée. Ce qui pourrait passer par le placement de l’innovation au centre des priorités de développement. « Pour concrétiser cette idée et renforcer notre participation aux chaînes de valeur mondiales, nous devrons peut-être créer des Laboratoires d’Innovation Technologique axés sur nos avantages comparatifs », explique-t-il.

Etablir des systèmes d’Identité numérique

Un autre domaine qui pourrait accélérer le développement de l’économie numérique sur le continent et ainsi contribuer à la réussite de la ZLECAf serait la mise en place d’une identité numérique en Afrique. A cet effet, rappelle Antonio A. Pedro, dans son discours du 18 novembre 2018, la Secrétaire exécutive de la CEA, Vera Songwe a annoncé la création d’un partenariat entre la Commission et le Réseau Omidyar visant à établir des systèmes d’Identité numérique légale en Afrique, au profit de la plate-forme d’identité numérique de l’Afrique de la Commission de l’Union africaine. Plaidant en faveur de l’Identité numérique pour l’Afrique, Mme Vera Songwe a mis en relief le fait que les technologies qui facilitent les échanges via des plates-formes interentreprises (B2b) pourraient représenter une création de valeur de 10 000 milliards de dollars entre 2016 et 2025.

Dans une interview accordée à Digital Business Africa, Antonio A. Pedro apporte quelques précisions sur les solutions à mettre en œuvre pour adresser les obstacles et freins des acteurs de l’écosystème du numérique. Extraits :

Antonio Pedro, le directeur du Bureau sous-régional pour l’Afrique centrale de la Commission Economique des Nations unies pour l’Afrique (CEA).

« Toutes les parties prenantes doivent travailler pour trouver des solutions contextualisées »

Digital Business Africa : L’un des problèmes des PMEs de l’Afrique centrale qui utilisent la transformation numérique pour diversifier leurs activités est la mise en place des moyens de paiement de leurs produits et services par les utilisateurs et internautes du monde, de l’Europe ou des Etats-Unis par exemple.  Les agrégateurs de paiement comme Paypal n’autorisent pas le transfert des fonds ou de l’argent issue des paiements en ligne vers les comptes bancaires des pays de l’Afrique centrale. Comment la CEA peut-elle aider à lever ces barrières qui freinent l’élan des PMEs africaines qui veulent accélérer leur croissance en vendant au monde leurs services et produits?

Antonio A. Pedro : C’est exactement pour ce genre de problématique que nous avons besoin de l’innovation pour trouver des réponses aux problèmes dont nous faisons face. L’une des grandes problématiques à régler au niveau de l’Afrique avant de mettre en place la Zlec (Zone de libre-échange continentale) c’est de pouvoir disposer des systèmes de paiement pour les pays qui ont des monnaies différentes. AfrEximBank a consenti des investissements conséquents dans ce sens pour créer une plateforme unique de paiement afin de faciliter les échanges. Donc, les acteurs engagés dans le commerce au niveau du continent n’auront pas besoin d’acheter dans des devises étrangères.

S’agissant des restrictions des agrégateurs de paiement en direction de l’Afrique centrale, nous pensons que les innovateurs africains peuvent prendre du temps à canaliser cette problématique et trouver des solutions. C’est exactement l’objectif de notre rencontre à Malabo sur le thème : « Transformations numériques et diversification économique en Afrique Centrale: enjeux, défis et opportunités ».

Il s’agit premièrement de faire la cartographie des grands problèmes de la sous-région dans le secteur du numérique. Par ailleurs, toutes les parties prenantes y compris les jeunes innovateurs doivent commencer à travailler pour trouver des solutions contextualisées. C’est le grand objectif de notre réunion.

Digital Business Africa : Quelles sont les autres actions du Bureau sous-régional pour l’Afrique centrale de la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique pour accompagner les pays de la sous-région dans leur développement économique ?

Antonio A. Pedro : Au Tchad par exemple, nous œuvrons dans la formation. Nous faisons le constat selon lequel la moitié du pays est aride. Ce qui peut être l’avantage comparatif du pays, parce que les projections des panels internationaux sur les changements climatiques nous disent qu’une grande partie de l’Afrique sera aride. Nous disons donc qu’au niveau du Tchad, pour résoudre leurs problèmes, ils peuvent créer un Centre de recherche et développement dédié à trouver des solutions pour la gestion de ces zones arides comme le Maroc l’a fait pour améliorer son système agricole et pour augmenter la productivité.

Ces compétences-là seront utiles non seulement pour l’ensemble du pays, mais également pour l’ensemble des pays de l’Afrique. Durant cette réunion à Malabo, nous avons par exemple écouté le délégué du Rwanda qui a dit qu’il partage leurs expériences en matière de digitalisation avec plusieurs pays africains. Plusieurs pays africains vont au Rwanda pour voir comment ce pays a réussi dans le numérique. C’est cet esprit de partage dont nous avons besoin. Donc, identifier les obstacles et trouver des solutions…

Propos recueillis par Beaugas Orain DJOYUM, à Malabo

Retrouvez très bientôt l’intégralité de l’entretien avec Antonio A. Pedro dans la version Mag PDF de Digital Business Africa. Il explique pourquoi depuis des dizaines d’années les différentes recommandations des experts pour le développement de l’Afrique centrale ne sont pas mises en œuvre par les Etats, propose des pistes de solutions, explique quels sont les opportunités de l’Afrique dans le secteur du numérique et présente comment l’organisation qu’il dirige accompagne l’ensemble des acteurs de l’écosystème du numérique de l’Afrique centrale.

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