(TIC Mag) – C’est un sujet qui tient à cœur les opérateurs mobiles et les fournisseurs d’accès Internet du Cameroun. La pose et le déploiement de la fibre optique interurbaine. Seul l’opérateur historique Camtel a l’exclusivité en la matière. Lors du forum sur la 3G et la 4G organisé du 09 au 10 février 2016 à Yaoundé par l’Agence de régulation des télécommunications (ART), l’opérateur mobile MTN Cameroon n’a pas manqué l’occasion de revenir sur la question. La société Orange Cameroun, l’un des trois opérateurs privés de téléphonie mobile, avait par exemple été condamné le 21 juin 2011 à payer à l’Art une pénalité de trois milliards deux cent millions (3 200 000 000) de francs Cfa pour établissement des liaisons de transmission inter urbaines sans autorisation. L’opérateur avait illégalement installé cette fibre optique.
Serge Esso, le directeur central des Affaires publiques de MTN Cameroon, qui portait la voix de MTN à ce forum a posé le problème sur la table. « A mon avis, nous sommes en famille et nous devons mettre un certain nombre de choses sur la table sans que cela ne froisse les uns et les autres. On a l’exclusivité de Camtel sur le déploiement de la fibre optique interurbaine. Nous avons souligné dans notre exposé que cette exclusivité était de nature à ralentir le déploiement de la fibre optique au Cameroun et le rattrapage nécessaire qui est voulu pour que notre pays arrive à un niveau suffisant pour permettre de vivre pleinement la 3G et la 4G. Ce n’est pas en maintenant le statu quo actuel qu’on va arriver à atteindre cet objectif-là », a déclaré le représentant de MTN.
D’après lui d’ailleurs, cette exclusivité est tombée de fait « puisque nous avons nos amis de Viettel ont déployé la fibre optique dans l’ensemble du territoire sans qu’il n’en ait été fait grand cas dans la communauté des télécommunications, dans le secteur public ou dans le secteur privé. Nous considérons que c’est une exclusivité qui tombe de fait ».
Autorisation partielle
Néanmoins, rappelle-t-il, les licences télécoms renouvelées en 2015 (au mois de mars pour MTN) autorise l’opérateur à déployer la fibre optique pour l’instant en milieu urbain et à l’intérieur des départements. « Nous avons commencé à le faire et nous entendons poursuivre cette autorisation officielle sans entrave », relève Serge Esso.
Selon MTN, c’est par une libéralisation, une inflexion de la politique actuelle de gestion de la fibre optique au Cameroun que les coûts vont baisser. D’ailleurs, ce n’est pas simplement une question de coûts, mais également une question de qualité de service, rappelle l’opérateur télécoms. « On veut bien être « accountable » quand on nous interpelle sur la qualité de nos communications électroniques, mais pour être « accountable », il faut avoir tout entre ses mains. Si on n’est pas maitre de la fibre optique qu’on utilise ou si alors on n’a pas à disposition une fibre optique de qualité posée correctement et entretenue selon les règles de l’art, on aura toujours à faire face à un certain nombre de question liées d’une part au coût qui est répercuté sur le consommateur direct, mais aussi sur la qualité de service dont tous les citoyens et consommateurs pâtissent », explique le directeur central des affaires publiques de MTN Cameroon.
Réagissant à ces déclarations, Sosthène Bounoung Essono, le directeur des Licences, de la Concurrence et de l’Interconnexion à l’Agence de régulation de télécommunications (ART), a tenu à préciser que l’exclusivité sur la fibre optique n’est pas tombée comme l’a laissé entendre MTN. « Viettel a une autorisation conformément à la réglementation en vigueur pour déployer la fibre optique après avoir fait le constat de la carence de Camtel. Les dispositions sont technologiquement neutres. L’autorisation que Viettel a est la même que celle que Orange et MTN ont eu jusqu’à présent pour les faisceaux hertziens. C’est le même type d’autorisation, parce qu’il n’y a pas un type d’autorisation pour la fibre optique et un autre pour les faisceaux hertziens », a-t-il expliqué.
« L’exclusivité demeure et cette exclusivité c’est pour les transmissions interurbaines quel que soit la technologie qui existe, ajoute-t-il. Et tout ce qui se déploie aujourd’hui, c’est conformément à cet arrêté sur les transmissions interurbaines. Et je voudrais rappeler que l’arrêté qui donne les droits exclusifs à Camtel est le même qui ouvre la possibilité pour donner des autorisations spéciales. Aujourd’hui, les opérateurs de téléphonie mobile peuvent se déployer, parce qu’il y a eu cet arrêté qui a cadré les conditions de déploiement des infrastructures de transmission. »
Camtel, Huawei et Sitelcam
Au sujet des plaintes de MTN sur la qualité de la pose de la fibre optique, Sosthène BOUNOUNG ESSONO a fait quelques confidences : « Je me dois de rappeler certains différends qu’il y a eu au niveau de l’Art. Je parle sous le contrôle de mon directeur général. Il y a eu un problème de fibre optique à Douala entre MTN et Camtel. MTN a décrié la manière avec laquelle la fibre était posée. Le DG de Camtel a demandé à MTN qui a posé votre fibre optique ? MTN a répondu que c’est Huawei. Qui pose la fibre optique de Camtel ? C’est Huawei. Alors, quand Huawei pose pour Camtel il pose mal et quand il pose pour MTN c’est bien posée ? Donc, il y a ces problématiques qu’il faudrait regarder. »
En rappel, la loi n° 2010/013 du 21 décembre 2010 régissant les communications électroniques au Cameroun dispose que ceux qui veulent établir et exploiter les réseaux de communications électroniques à couverture nationale ouverts au public, à l’exclusion des réseaux de transport et ceux qui veulent établir et exploiter
les réseaux de transport de communications électroniques, y compris l’exploitation des stations d’atterrissage des câbles sous-marins et les téléports vers un ou plusieurs réseaux à satellites, doivent être adjudicataire d’une convention de concession issue d’un appel à concurrence et doivent respecter les clauses des cahiers de charges.
Cet appel à concurrence n’est toujours pas lancé et c’est le statu quo qui reste en faveur de Camtel. L’ancien ministre en charge des Postes et Télécommunications, Bello Bouba Maïgari, avait proposé en 2009 la création de la Sitelcam, une société étatique spécialisée dans le déploiement des infrastructures de télécommunications, y compris de la fibre optique. Cela au bénéfice de l’ensemble des opérateurs privés et publics. Le projet, bien que salué par certains experts, avait été mis au placard.