Pour Sidi Mohamed Kagnassi, « chaque dollar investi dans les fintechs africaines est un pas de plus vers l’autonomisation financière de tous les Africains »

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[DIGITAL Business Africa – Avis d’expert] – En Afrique, alors que l’accès aux services financiers traditionnels reste un défi, les fintechs émergent comme des piliers essentiels à la transformation digitale. Leur mission ? Démocratiser l’accès aux services financiers dans un continent en progression numérique fulgurante.

L’essor des fintechs en Afrique n’est pas qu’une simple tendance – c’est un raz-de-marée. En 2023, ces entreprises innovantes ont levé plus de 900 millions de dollars, avec 217 deals conclus sur le continent. Cette dynamique témoigne d’une confiance croissante des investisseurs dans le potentiel transformateur de ces nouvelles activités.

Pour Sidi Mohamed Kagnassi, « chaque dollar investi dans les fintechs africaines est un pas de plus vers l'autonomisation financière de tous les Africains »L’entrepreneur Sidi Mohamed Kagnassi insiste : « chaque dollar investi dans les fintechs africaines est un pas de plus vers l’autonomisation financière de tous les Africains ».

Des mots qui résonnent auprès des géants comme Flutterwave au Nigeria, qui facilite les paiements transfrontaliers pour les entreprises, ou InTouch au Sénégal, qui propose une plateforme de paiement unique permettant aux commerçants d’accepter plus de 400 moyens de paiement. Ces entreprises redéfinissent les contours des services financiers et offrent des solutions adaptées aux réalités locales.

Mais ces fintechs dépendent encore hélas grandement des investissements étrangers – aujourd’hui, près de 70 % des transactions des start-ups fintech africaines sont financées par des investisseurs non africains, principalement basés en Amérique du Nord.

Cette dépendance aux capitaux étrangers souligne l’urgence pour le continent de développer ses propres capacités de financement afin de soutenir et de contrôler la croissance de son secteur fintech, renforçant ainsi son autonomie financière et sa résilience économique.

Certains résultats sont là : en 2021, 21.8% de la population subsaharienne possédait un compte bancaire traditionnel. Et ils sont plus de 33% aujourd’hui à posséder un compte mobile money, selon l’agence Ecofin.

Une véritable prouesse quand on sait le chemin parcouru. Cette progression se reflète également dans la bancarisation de l’Afrique centrale : selon la Banque de France, entre 2011 et 2021, le taux y a été multiplié par 4. Les fintechs sont au cœur de cette révolution, offrant des services accessibles et innovants qui répondent avec précision aux besoins variés des populations. Elles transforment la manière dont les Africains interagissent avec la finance, rendant l’inaccessible possible.

Un pont vital avec la diaspora, l’innovation au service de l’inclusion

L’impact des fintechs transcende les frontières du continent en tissant des liens cruciaux avec la diaspora africaine. En 2023, les envois de fonds vers l’Afrique subsaharienne ont atteint le chiffre vertigineux de 54 milliards de dollars.

Sidi Mohamed Kagnassi affirme d’ailleurs que « les États africains doivent adopter les innovations technologiques. Les fintechs permettent la numérisation des transactions financières et offrent de nouvelles opportunités économiques à des millions d’Africains. Ces technologies ont le potentiel d’améliorer l’inclusion financière et de stimuler le développement économique dans de nombreux pays du continent ».

Des plateformes africaines comme Chipper Cash, qui permet des transferts d’argent instantanés entre pays africains, ou Onafriq (anciennement MFS Africa), qui connecte plus de 400 millions de portefeuilles mobiles à travers le continent, facilitant ces transferts, réduisant les coûts et les délais, tout en augmentant la transparence. Cette connexion renforcée entre la diaspora et le continent insuffle une nouvelle vie à l’investissement et favorise le développement économique local.

Mais l’innovation des fintechs va bien au-delà des transferts d’argent. Dans le secteur agricole, crucial pour la sécurité alimentaire du continent, des avancées significatives sont réalisées. Par exemple, grâce à un partenariat entre Pula Advisors et la Facilité pour l’inclusion financière numérique en Afrique (ADFI), plus d’un million d’exploitants agricoles au Kenya, au Nigeria et en Zambie bénéficient désormais d’une protection financière innovante via la micro-assurance numérique.

La Banque africaine de développement rapporte d’ailleurs que le taux d’adoption de l’assurance récolte a atteint 3%, un chiffre en constante augmentation. Ces solutions innovantes protègent les agriculteurs contre les aléas climatiques, contribuant ainsi à la stabilité économique des zones rurales et à la sécurité alimentaire du continent.

L’accès aux services financiers numériques reste toutefois inégal à travers le continent. La fracture entre zones urbaines et rurales limite encore la portée de ces innovations. Bien que les fintechs offrent des opportunités sans précédent, leur pénétration dans les régions agricoles demeure limitée, freinant ainsi le plein potentiel de ces solutions pour les agriculteurs.

Dans ce contexte, le projet « Fracture numérique » du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) a étudié l’utilisation des outils numériques par les producteurs agricoles au Sénégal, en Côte d’Ivoire et au Bénin.

Les résultats montrent que le téléphone portable est l’outil principal, avec 80 % de possession, mais des inégalités persistent : 20 % n’ont pas de téléphone, 60 % utilisent un modèle basique et seulement 20 % ont un smartphone.

L’étude révèle que les fractures numériques sont liées au genre, à la localisation et à l’éducation, tandis que l’accès à l’électricité reste un obstacle majeur. Le projet recommande de favoriser un numérique frugal, en s’appuyant sur les outils existants et en améliorant l’accès à l’électricité et au réseau, afin de maximiser l’impact des innovations financières dans les zones rurales.

Défis et perspectives d’avenir

La bancarisation du continent africain promet une véritable révolution économique et sociale. En s’attaquant à l’économie informelle et à la pauvreté, elle ouvre la voie à un essor du commerce et des investissements.

Pourtant, un fossé digital persiste, creusant les inégalités entre villes et campagnes. Le constat est frappant : selon l’Union internationale des télécommunications, à peine 23% des ruraux africains ont accès à internet, illustrant le défi colossal des infrastructures qui reste à relever. Les enjeux de cybersécurité et de régulation se profilent eux aussi à l’horizon, nécessitant une attention particulière de la part des acteurs du secteur et des autorités réglementaires.

Ces enjeux sont cruciaux pour garantir une inclusion financière durable et sécurisée sur le continent. La cybersécurité représente une préoccupation grandissante. Avec près de 3000 institutions bancaires et 250 millions de clients potentiellement exposés aux cybermenaces, l’Afrique fait face à un risque considérable.

Les pertes liées à la cybercriminalité sont estimées à au moins 3,5 milliards de dollars, un chiffre probablement sous-évalué. Pour relever ces défis, des initiatives voient le jour, à l’instar du Centre africain de ressources sur la cybersécurité pour l’inclusion financière (ACRC). L’accent est mis sur la cyber résilience du secteur financier africain, plus précisément sur la formation et la sensibilisation aux bonnes pratiques de cybersécurité, sur l’amélioration de la conformité des acteurs, ainsi que sur le développement de compétences locales en matière de sécurité informatique.

Parallèlement, la question de la régulation se pose avec acuité. Les autorités doivent trouver un équilibre délicat entre l’encadrement nécessaire des fintechs et la préservation de leur libre capacité d’innover. Dans la course fintech, l’Afrique joue la carte de la prudence éclairée.

Du Maghreb au Cap, les regulatory sandboxes commencent à fleurir, offrant aux startups un terrain de jeu réglementaire assoupli. Ces bacs à sable d’un nouveau genre permettent aux innovateurs de tester leurs idées sans craindre le carton rouge des régulateurs.

L’île Maurice a ouvert le bal en 2016, suivie de près par le Rwanda. Depuis, c’est l’effet domino : du Kenya au Nigeria, en passant par le Ghana, les autorités rivalisent d’ingéniosité pour concilier innovation et protection du consommateur. Une approche qui pourrait bien faire de l’Afrique le laboratoire fintech du futur.

Loin de freiner l’élan des fintechs, ces enjeux ne font que renforcer leur détermination. L’ADFI, en soutenant l’Africa Fintech Network présent dans 34 pays, joue un rôle crucial dans la création d’un écosystème fintech panafricain robuste. Ce soutien se traduit par un accompagnement technique, un partage des meilleures pratiques et un plaidoyer pour des réglementations favorables à l’innovation.

À l’aube de la mise en œuvre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), les fintechs s’imposent comme les catalyseurs d’une révolution économique continentale.

En fluidifiant les échanges transfrontaliers et en accélérant l’intégration régionale, elles forgent une Afrique nouvelle : financièrement inclusive, économiquement vibrante et résolument tournée vers l’avenir. L’ère de la renaissance africaine par le numérique est lancée.

Par Olatunde Adekunle (correspondance particulière)

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