[Digital Business Africa] – Qui seront les gagnants et les perdants de la mise au ban de Huawei ? Privé des composants américains, mais aussi des logiciels de Google pour ses futurs smartphones, le géant chinois va forcément en souffrir à l’international et il ne sera pas le seul. A l’inverse, d’autres acteurs pourraient tirer des bénéfices de cette situation.
Avant cette affaire, malgré une érosion de sa position, Samsung dominait déjà le marché du smartphone. Lors du premier trimestre 2019, il a totalisé 23% de parts de marché et écoulé 72 millions de smartphones.
Dans le même temps, Huawei s’est arrogé 19% de parts de marché et a vendu 60 millions de smartphones. Certes, l’écart est encore conséquent, mais il tend à se réduire de trimestre en trimestre. Au point que Huawei prévoyait de dépasser Samsung dès l’année prochaine grâce aux smartphones pliables. Le Mate X dévoilé au MWC Barcelona (ex-Mobile World Congress) avait d’ailleurs presque réussi à éclipser le Galaxy Fold.
Cette affaire avec Google permet à Samsung d’éliminer un rival gênant jouant sur le même créneau que lui, capable d’écouler des quantités industrielles d’appareils Android et de proposer une très large gamme de modèles allant du haut de gamme hyper performant et innovant de la marque Huawei comme le P30 Pro, aux avantageux milieu de gamme de Honor.
Samsung se retrouve donc désormais seul en tête. Et contrairement aux autres
concurrents chinois qui entrent dans un climat d’incertitude, il peut continuer
à bénéficier sereinement de l’écosystème d’Android. Il ne risque pas d’en être
exclu : la Corée reste un fidèle allié des Etats-Unis. Cela tombe à pic, alors
que le marché subit un ralentissement affectant notamment Samsung et
que la concurrence se fait plus rude entre les différents acteurs.
La marque américaine Apple souffre elle aussi de la baisse des ventes de smartphones dans le monde. Si la chute de son chiffre d’affaires reste maîtrisée, il n’en est pas de même pour la vente de ses smartphones qui fait grise mine. Au point qu’elle s’est trouvée reléguée à la troisième place des constructeurs mondiaux de smartphones. L’affaiblissement de Huawei représente une opportunité de rebondir. Mais cela ne changera rien sur le sol américain puisque Huawei y était déjà absent.
Huawei ne devrait pas voir de différence en Chine, puisqu’il y vend déjà des smartphones Android sans les applications de Google. Mais à l’international, c’est une autre histoire. Son bannissement du Play Store va forcément décourager les consommateurs occidentaux d’acheter des smartphones des marques Huawei et Honor dans les mois qui viennent.
Quant à Xiaomi, qui a fait une belle percée en Europe en cassant les prix à tout va, il pourra peut-être lui aussi profiter du recul de Huawei. Tout comme Oppo. Mais les deux constructeurs vont désormais vivre dans l’incertitude et la peur de se voir réserver un jour le même sort que celui de Huawei par les Américains.
N’oublions pas le cas de Google qui s’est vu contraint de rompre ses relations commerciales avec Huawei. Il va perdre des royalties concernant l’exploitation de ses logiciels mais pas seulement. Les données de nombreux utilisateurs vont lui échapper, alors que son système d’exploitation mobile Android est majoritaire dans le monde.
Enfin, cette décision devrait avoir pour conséquence la fragmentation du système d’exploitation mobile Android, rendant plus difficile le travail des développeurs et remettant en cause la sécurité et la qualité d’expérience des utilisateurs. Ajoutons qu’en termes d’image c’est désastreux puisque Google a obéi aux ordres de Trump. Difficile pour un constructeur étranger à l’avenir de faire confiance à l’écosystème d’Android si ce dernier est susceptible de subir les aléas de la politique américaine. Google ne fait désormais plus figure de partenaire fiable. Reste maintenant à savoir si cette situation va durer et si les Américains sont prêts à négocier pour adoucir le sort de Huawei en échange de contre-parties.
Par Gaëlle Massang