[Digital Business Africa – Avis d’expert] – Les télécommunications sont, comme la langue d’Esope, la meilleure et la pire des choses. Avec un peu plus de 25 millions d’habitants, mais une densité de population d’environ 20/Km2, y gérer la compétition entre quatre opérateurs ne doit pas être chose aisée.
Il faut un minimum de trois opérateurs en bonne santé pour que la compétition entre eux ait un sens, c’est-à-dire qu’ils se battent sur l’optimisation de leurs coûts pour pouvoir offrir des tarifs acceptables, tout en respectant les contraintes minimales de qualité de service.
Mais, la compétition ne peut porter que sur des ‘marchés pertinents’ et, au Niger comme ailleurs sur le continent, la nature des opérateurs et la façon dont les applications IP y sont gérées nous fait constater que les Autorités de Régulation (nous saluons la réactivité de l’ARCEP du Niger) sont dans des difficultés compréhensibles.
Le niveau de couverture géographique réel des 1.2 millions de Km2 du pays est-il le même pour les opérateurs en concurrence ? Les offres formulées dans ces territoires sont-elles substituables ? Les demandes ou attentes des consommateurs y sont-elles substituables ? Il y a 99 chances sur 100 que la réponse à ces questions soit NON.
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Ce qui nous plait dans la réaction de l’ARCEP du Niger, c’est le fait de souligner que dans ces conditions la Régulation ne peut plus seulement se contenter de traiter des tarifs de gros, elle doit aussi et surtout surveiller les conditions dans lesquelles les tarifs de détail sont établis.
Malheureusement, les cabinets-conseils qui sont contractés depuis plus de vingt années maintenant sont dans l’incapacité de les aider à calculer sérieusement les limites de prédation sur chacun des services offerts. Les ‘benchmarks’ sont leur seule réponse et si cela fonctionnait on l’aurait su depuis longtemps.
Les opérateurs eux-mêmes ne sont pas tous outillés pour faire ces calculs et se fondent presque exclusivement sur leurs bilans comptables pour constater périodiquement les bonnes ou les mauvaises surprises. Ce n’est pas de l’incompétence, la tâche est ardue et ne s’exécute pas à mains nues.
Que dire de ceux qui, sur les réseaux sociaux, clament leur indignation en raison de la brutalité des augmentations ? Ils ont sans doute raison de le faire, mais n’ont aucune idée de ce que les services qui leur sont offerts coûtent aux opérateurs.
En conclusion, l’ARCEP ne sait pas si les nouvelles mesures permettront d’éviter le dépôt de bilan pour les opérateurs les plus vulnérables, les opérateurs qui semblaient avoir oublié la règle de l’élasticité-prix de la demande ont réagi à la gifle des boycotts sans aucune certitude et les consommateurs ne savent pas si demain ils auront encore le choix des services lorsqu’un ou deux des opérateurs seront décédés. Et pourtant, il faut que cela marche, car l’État et l’économie ne peuvent pas fonctionner sans les télécommunications. Y a-t-il une solution ? OUI ; est-elle simple ? NON. Mais au Niger comme ailleurs, comme dirait l’autre, « Ce n’est pas le chemin qui est difficile, c’est le difficile qui est le chemin. ».
Par Papa Gorgui TOURE, TACTIKOM, GENEVE